R: Thomas Heise
« Le film « Material » est un mélange d’observations, de scènes, de fragments, d’histoires et d’événements. D’images allant de la fin des années 1980 en RDA au présent immédiat, en 2008, en Allemagne. Le présent, le passé et l’avenir se reflètent dans un jeu de miroirs. C’est mon image. » (Thomas Heise)
Le film
Material de Thomas Heise, qui dure près de 3 heures, réunit des séquences qui datent de l’automne 1989 et des débuts de la réunification allemande. « Il reste toujours quelque chose, quelque chose qui ne veut pas disparaître. Alors les images demeurent et attendent l’histoire », explique une voix au début du film. L’histoire, qui, dans
Material, confère aux images une structure extrêmement floue, est celle d’un mouvement d’autodétermination fulgurant. Au milieu des bouleversements de l’automne 1989, les gens se rassemblent, manifestent et prennent la parole devant la foule.
C’est précisément cette parole qui intéresse Heise. Elle part dans toutes les directions. Dans le quartier de Berlin-Köpenick, une vieille dame résolue s’avance devant une assemblée communale pour faire l’éloge de la dernière soirée musicale. Dans le public, des impatients la huent. Dans un établissement pénitentiaire du Brandebourg, les détenus se plaignent d’être coupés des événements qui se déroulent à l’extérieur. Ils exigent une amnistie. C’est ensuite au tour du personnel carcéral de se lamenter d’être tout aussi marginalisé que les prisonniers. Un homme en uniforme déclare ne plus pouvoir supporter les attaques dans la rue. Une autre séquence a été tournée en novembre 1990, lorsque la police a évacué les immeubles occupés de la Mainzer Straße, dans le quartier berlinois de Friedrichshain. Un homme court le long des véhicules des forces de l’ordre, il tombe à genou à côté d’un canon à eau et lève les mains comme dans un geste de prière, même si sa voix est plus menaçante que suppliante. « Arrêtez ! », hurle-t-il. « Mais arrêtez donc ! » Bien que
Material soit sorti près de 20 ans après la chute du mur, le film présente les événements de façon incroyablement ouverte et confuse, fidèle à l’esprit de ce moment historique – et non comme un élément d’un récit narratif établi.
Thomas Heise: Material (RFA 2009, 166 mn, allemand/ST anglais)
Thomas Heise est né en 1955 à Berlin-Est. Après un apprentissage en imprimerie, il étudie à l’école du cinéma de Potsdam-Babelsberg. Surveillé par la Stasi, il interrompt ses études à cause de pressions politiques. Ses premiers films, comme Wozu denn über diese Leute einen Film?, sont interdits de projection publique jusqu’en 1989. Durant cette période, Heise travaille beaucoup pour le théâtre. En 1992, il tourne
Stau - Jetzt geht‘s los, le premier volet d’une trilogie sur le thème des sous-cultures de droite.
Neustadt (
Stau - Der Stand der Dinge) suit en 1999/2000, puis
Kinder. Wie die Zeit vergeht en 2007. Depuis, Heise a réalisé de nombreux autres films, notamment
Sonnensystem (2011), tourné dans le nord de l’Argentine, et
Städtebewohner (2014), tourné dans une prison pour jeunes du Mexique. Thomas Heise enseigne à l’Académie des beaux-arts de Vienne.
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