Les études artistiques impliquent souvent une dose de chance mais également de risques : peu sont les diplômés des académies qui peuvent vivre de leur art par la suite. Cela étant, la formation permet d’engranger des expériences qui se laissent aisément exploiter plus tard.
Si l’on demande à des artistes ce qui les a motivés à suivre une formation souvent assimilée à une voie sans issue, les mêmes réponses se font entendre : un environnement familial intéressé, des enseignants d’art engagés et des institutions culturelles dotées d’un programme attractif tracent le chemin vers l’académie des Beaux-Arts.
Un autre souhait non-négligeable repose dans un choix de vie qui ne mène pas nécessairement au bien-être matériel et fait front aux conventions sociétales. Il s’agit de pouvoir agir, de produire et de vivre conformément à ses convictions. Que deux à cinq pour-cent des diplômés des écoles d’art allemandes parviennent à vivre de leur art ensuite ne semble pas être un contre-argument de poids dans ce contexte.
Choisir de suivre une formation d’enseignant peut tout d’abord rassurer ses parents et adoucir ses propres doutes. Cela étant, cela ne fait que repousser la décision entre un métier aux revenus certains et une vocation d’artiste indépendant. Combiner les deux est, selon l’avis unanime de ceux qui s’y sont essayés, assez délicat puisqu’il est nécessaire de choisir une seconde matière. D’après l’artiste Bastian Börsig, le doute subsiste jusqu’à ce que l’on obtienne la confirmation de l’Académie.
Responsabilité individuelle en milieu protégé
La procédure de recrutement en trois étapes prévaut dans la plupart des académies des Beaux-Arts allemandes. Après une pré-sélection basée sur la soumission de leurs travaux, les candidats font leur preuve lors d’un examen pratique. Le recrutement et le classement font suite à un entretien avec les représentants du corps professoral. Le lieu de formation principal de la plupart des académies reste la classe qui accueille environ 20 étudiants dirigés par une personnalité artistique qui ne doit pas nécessairement compter parmi les plus connus au niveau international.
Le plus important est la présence régulière du professeur. L’art ne s’enseigne pas, confirme également Daniel Roth, professeur et pro-recteur de l’Académie des Beaux-Arts publics de Karlsruhe. On peut motiver les étudiants à découvrir leurs intérêts et leurs goûts. Cela étant, l’étape ultime de la création de l’œuvre leur reste propre. En classe, on s’essaie à la présentation, le positionnement et l’argumentation d’idées et de travaux devant ses collègues. Cet échange en groupe façonne toujours des années après l’obtention du diplôme.
Formation libre à un art libre
Les études d’artiste indépendant s’enseignent difficilement et le contenu est difficilement évaluable en comparaison à d’autres formations académiques. Tout dépend de la responsabilité individuelle des artistes en devenir ; à savoir ce qu’ils souhaitent retenir de la formation : qu’il s’agisse de la pratique dans les ateliers ou des enseignements théoriques et d’histoire de l’art. Alors que certains font peu de cas de la formation de base en histoire de l’art et en philosophie et s’inspirent d’autres sources, pour d’autres les potentiels actuels pour mener un débat se font en écho à l’art du passé et contemporain. L’Académie offre également la possibilité de faire des expositions pendant la formation. C’est un lieu protégé, un champ d’expérience où l’on peut se rater et ce, sans en subir de conséquences.
Académie des Beaux-Arts de Karlsruhe | Photo: © Pietro Pellini
Après l’académie
Ce qui fait suite à dix semestres d’études, le diplôme en poche, se fait déjà sentir à la fin des études la plupart du temps et ce, lorsque les prix et les bourses sont attribués et que l’intérêt des commissaires d’exposition et des galeristes est éveillé. Et là aussi il convient de rester actif en dehors de l’atelier. Selon l’estimation de l’artiste Susanne Ackermann, en milieu de quarantaine, on doit être à même de vivre de sa propre production. Les générations suivantes sont rapidement en scène artistique et rien n’est plus attractif pour le milieu que l’art jeune en plein développement qui reste à découvrir et à promouvoir.
Et les autres ? La frontière entre l’image que l’on se fait du métier et les domaines-satellites est depuis longtemps floue. La plupart des étudiants en art ne vont peut-être pas gagner leur vie en tant qu’artiste. Mais leur formation leur aura permis d’être innovant, flexible, de penser autrement et de formuler ceci de façon claire. Il s’agit là de compétences secondaires dont d’autres que les commissaires d’exposition, critiques ou galeristes ont besoin. Ils deviennent rarement chauffeurs de taxi.