Exposition
Intercouture: Objets du pouvoir

Still: "Shabazz X"
Photo: Goethe-Institut Kinshasa

Vidéos, photos, installations: L’exposition présente un ensemble d’observations qui abordent les fonctions visibles et invisibles du pouvoir dans la société urbaine de Kinshasa. 

L’exposition « INTERCOUTURE - OBJETS DU POUVOIR » présente un ensemble d’observations qui abordent les fonctions visibles et invisibles du pouvoir dans la société urbaine de Kinshasa. Des vidéos, des objets et des photos sont ordonnés le long de l’axe en forme de X. Ainsi, ce sont aussi bien des perspectives actuelles historiques que personnelles qui s’unissent au sein de l’architecture monumentale de l’Échangeur de Limete et qui permettent de poser le regard sur des structures et des formes quotidiennes du pouvoir. Dans le cadre de l’exposition, le pouvoir est davantage compris comme un facteur productif des relations sociétales que comme répressif. En outre, l’exposition sert de base à une réflexion critique sur le pouvoir octroyé par le biais d’accointance institutionnelle et de privilèges sociaux.
 
Henrike Naumann
Née en 1984 à Zwickau (ex-R.D.A.) ; vit à Berlin. Après des études de scénographie, elle s’établit comme artiste indépendante spécialisée dans les vidéos et les installations. Des résidences internationales l’ont conduite à Dar Si Said, Marrakech (Maroc), à la Ghetto Biennale de Port-au-Prince (Haïti) et à Kunsthuis SYB - Beetsterzwaag (Pays-Bas). henrikenaumann.com
 
Henrike Naumann est la première artiste invitée en résidence à Kinshasa par l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa et le Goethe-Institut dans le cadre du programme de résidences d’artistes sur trois ans « Résidences urbaines». La résidence de Kinshasa est à l’heure actuelle le seul programme de résidence du Goethe-Institut sur le continent africain. Plus d’info : goethe.de/residenzen 
  Tour de l'Echangeur de Limete, Kinshasa Intercouture: Objets du pouvoir Tour de l'Echangeur de Limete, Kinshasa | Photo: Goethe-Institut Kinshasa


 
Meubles de pouvoir
La collection Meubles de pouvoir présente des photos avec lesquelles les menuisiers de Binza (Kinshasa) documentent leur travail. La composition et la situation des images ne personnalisent pas seulement les étapes de la production, elles renvoient à une étape de transformation.

Après avoir quitté l’atelier, les meubles servent, dans leur contexte d’utilisation respectif, de symbole de réussite sociale avec lequel le pouvoir et le statut sont démontrés. Dans les images, la participation des artisans à la charge des meubles se manifeste avec importance et pouvoir. En outre, les photos montrent les différences d’une production de masse dépersonnalisée et assistée par ordinateur qui ne permet plus aucun pouvoir aux travailleurs et travailleuses sur la production de leur activité.
 
Photos mises à disposition par Matiaba Djeskin et Papa Gerard
 
POWER R.D.C.
Dans l’installation POWER R.D.C., ce sont des observations relatives aux différentes formes de pouvoir dans l’image de la ville qui se relient entre elles. Les photos de l’architecture urbaine de Kinshasa prises avec l’appareil photo d’un téléphone portable par Noha Matanga créent, par l’angle et la qualité, une esthétique qui se rapproche de la peinture photo-réaliste. A cela s’ajoute la question de la reconnaissance des différentes formes d’expression artistiques. La définition de ce qui s’entend comme art et sous quelles formes il est acceptable de le définir s’exprime dans le pouvoir institutionnel.
 
Les sacs d’eau relient directement les prises de vue dans l’espace urbain de Kinshasa où se trouvent des déchets presque partout. L’inscription « POWER » suggère une référence nationale et vise le sentiment patriotique des Congolais(es) avec lequel une exploitation des gains financiers doit être atteinte. Les coûts écologiques sont quant à eux supportés par la société congolaise.
 
Lumumba-Shakur
“My Mother never let me forget my history
Hoping I was set free chains never put on me
Wanted to be more than just free
Had to know the true facts about my history
I couldn't settle for being a statistic
Couldn't survive in this capitalistic”
            Tupac Shakur - Panther Power
 
« Ma mère ne m’a jamais laissé oublier l’histoire
Espérant que je sois libre, sans que quelqu’un ne me mette en chaînes
Je voulais être plus que simplement libre
Je devais connaître les faits vrais sur mon histoire
Je ne pouvais pas me contenter d’être un figurant
Je ne pouvais pas survivre dans ce capitalisme »
            Tupac Shakur - Panther Power
 
 
La photographie Lumumba-Shakur de Chris Shongo montre une interprétation du ganster-rapper Tupac Amaru Shakur tué par balles en 1996 à Las Vegas, présenté par Stor Hyns. Des citations, l’architecture et l’image relient la critique coloniale de Lumumba aux textes du rappeur dans un dialogue sur le pouvoir passé et à venir. Les assassinats de Lumumba et Shakur témoignent des réactions que la critique peut émettre sur les relations actuelles de la société.
 
La relation implicite présente dans l’image relative au souvenir de Lumumba et au mythe répandu qui met en doute la mort de Tupac trouve son expression contemporaine dans l’architecture de l’Échangeur de Limete.
 
Shabazz X
Dans la vidéo prise à New York en 1993, Gamilah Lumumba Shabazz, fille de l’activiste politique Malcom X, fait du rap avec un membre du groupe « 2 Black 2 Strong » ; ceux-ci traitent de l’oppression politique subie par la population noire aux États-Unis. L’apparition de la culture du rap est étroitement liée à l’histoire de l’esclavage et de l’autodétermination des Noirs dans le cadre du mouvement civique. Dans les années 1990, de nombreux musiciens utilisent le rap comme vecteur visant à faire prendre conscience des problèmes sociaux et sociétaux.
 
Medusa
Dans leur représentation a-capella, les cinq performeuses Oracle Ngoy, Hugette Tolinga, Nyangombe, Eliya Liyenge Nelly et Bmb Voix d’Ange thématisent les différentes facettes de la prise de pouvoir féminine dans la Kinshasa urbaine. Dans la mythologie grecque, la méduse est une femme aux cheveux-serpents qui transforme en pierre chaque homme qui pose le regard sur elle. Dans l’espace public de Kinshasa, la méduse est visible à tous les coins de rue sur le logo de la marque de luxe italienne Versace. La performance met en exergue la signification de la méduse et la rend visible comme le symbole du pouvoir féminin.
 
By any means necessary
L’installation By any means necessary repose sur les rafraîchisseurs d’air des marques « Tropical », « New Car », « Candy » et « Forest » que l’on trouve dans de nombreux taxis de Kinshasa. Malcom X, assassiné en 1965, a pris le « X » comme nom de famille. Il était convaincu que le nom d’origine de sa famille (Little) avait été donné par des esclavagistes. En tant qu’activiste politique et personnalité spirituelle, El Haji Malik el-Shabazz, comme il s’appelait à la fin, stigmatisait les règles globales dominantes du capitalisme qu’il considérait comme l’origine structurelle du racisme. Son objectif était la transmission du pouvoir par la connaissance. Les messages politiques de Malcom X sont non seulement devenus indissociables du X mais également de l’odeur des taxis de Kinshasa.
 
Croisette X
L’installation fabriquée à partir de cuivre par Junior Mvunzi montre une croix encadrée inspiré de la « Katanga-Croisette ». Le matériau et la forme font référence à des moments de l’histoire congolaise au cours desquels le pouvoir sociétal et politique était débattu. Dans sa forme originale, la croisette servait de moyen de paiement qui conférait alors le pouvoir à ses propriétaires. L’ « État du Katanga » qui prit son indépendance du reste du Congo en 1961 utilisa alors la croisette sur son drapeau afin de symboliser l’identité régionale de la République. La croisette dans son cadre peut également symboliser une surface que l’on retrouve également sur les bulletins de vote. Les élections sont le moment central du changement de pouvoir dans un système démocratique.
 
Comme des Kinois                                                     
L’installation Comme des Kinois rassemble des photographies issues des archives de Willfried Lova Lova qui a adopté la culture des sapeurs en 2005 à l’âge de douze ans. En tant que benjamin de la troisième génération de sapeurs de Bandal, il fonde le groupe Le monde est à nous en 2007. Par leurs apparitions extravagantes et leurs tenues excentriques, les sapeurs expriment leurs exigences à l’égard d’une partie de la vie publique. En outre, les groupes de sapeur rivalisent pour obtenir le plus d’attention et les meilleures tenues. Lova Lova préfère les designers japonais comme Yohji Yamamoto, Rei Kawakubo (Comme des Garçons) et Issey Miyake. Les vêtements sont apportés par des musiciens d’Europe et échangés/vendus via des réseaux locaux. Les marques portées confèrent une position de pouvoir à la scène sapeur. La série de photos raconte l’histoire du passage à l’âge adulte à Kinshasa et traite de l’autodétermination par le style.
 
SACE
A l’inverse de la performance « Medusa », réalisée par cinq femmes, les vidéos présentant des méduses dans la ville de Kinshasa et rassemblées par Chris Shongo, ne mettent en scène que des hommes. De cette façon, la visualisation du pouvoir féminin est transposée sur des corps d’hommes. Ceux-ci sont utilisés comme vecteur de la nouvelle interprétation de la méduse.
 
Avec le soutien amical de Tickson Mbuyi, LMJ, Djabir, Benito Baras, Lebrain