Recherches sur l’Arctique
La plus grande expédition polaire de tous les temps

Le Polarstern en mission : à partir de septembre 2019, le navire de recherche, pris dans la glace polaire, dérivera pendant un an.
Le Polarstern en mission : à partir de septembre 2019, le navire de recherche, pris dans la glace polaire, dérivera pendant un an. | Photo (detail): © MOSAiC/Stefan Hendricks

En septembre 2019, le Polarstern, navire de recherche océanographique allemand, restera prisonnier de la banquise pendant un an. 600 scientifiques de 17 nations différentes examineront alors une glace qui n’est plus tout à fait éternelle.

Rien n’arrête aussi facilement le brise-glace Polarstern. Le navire fend sans effort des blocs de glace d’une épaisseur de 1,50 m. Si la banquise est épaisse de plusieurs mètres, le capitaine élance le navire allemand dédié à la recherche jusqu’à ce que la voie à travers les eaux arctiques soit libre. Le Polarstern a déjà effectué des missions tant au Pôle Sud qu’au Pôle Nord. L’équipage se prépare désormais à une expédition sans précédent dans cette zone.

La plus grande expédition jamais organisée en Arctique démarrera en septembre 2019 à Tromsø en Norvège : le Polarstern restera pris dans les eaux de l’océan Arctique pendant un an et se contentera de dériver à travers la banquise. Les chercheurs et les chercheuses à bord veulent obtenir des données pour la recherche sur le climat et l’environnement. Ils vont pour cela passer l’hiver dans l’interminable nuit polaire pendant laquelle l’Arctique constitue un environnement plus hostile que durant les mois d’été. 600 scientifiques de 17 nationalités différentes vont ainsi se relayer pour effectuer ce travail. D’autres brise-glaces et des avions ravitailleront l’équipage. Des hélicoptères, des véhicules à chenilles et des motoneiges transporteront les équipes et le matériel.

DES RECHERCHES HONéREUSES DANS LE GRAND FROID

Le budget de MOSAiC (Multidisciplinary drifting Observatory for the Study of Arctic Climate), ce projet d’aventure et de recherche qui va durer un an, est estimé à 120 millions d’euros. Des experts de l’Institut Alfred Wegener (AWI) de Bremerhaven viennent tout juste de tester des tenues de travail spécifiques. Celles-ci doivent remplir certaines exigences en cas de chute dans l’eau glacée pour éviter que les utilisateurs périssent en se retrouvant prisonniers de la glace ou qu’ils soient entraînés au fond de l’eau. Les chercheurs veulent construire un camp sur une plaque de la banquise pour y installer un réseau de contrôle des mesures sur plusieurs kilomètres. 

« Les résultats que nous obtiendrons avec l’expédition MOSAIC feront passer l’état de nos connaissances sur l’Arctique à un niveau supérieur », assure la ministre fédérale de la Recherche, Anja Karliczek. L’Allemagne est à la tête de l’exploration polaire à travers l’institut AWI, implanté près de la Mer du Nord, et une grande partie des coûts est aussi prise en charge par le Ministère fédéral de l’Éducation et de la Recherche.

Les experts espèrent surtout de nouvelles perspectives pour l’évolution du climat. Selon le commandant de l’expédition, Markus Rex, celle-ci dépendrait très fortement de « ce qui se passe dans la cuisine météorologique de l’Arctique ». Si la couche de glace s’amincit, l’océan dégagera davantage de chaleur à la surface et dans l’atmosphère, ce qui contribuera au réchauffement de l’Arctique, mais aura aussi des effets sur le climat en Amérique du Nord, en Europe et en Asie. L’un des buts de l’expédition est de mieux comprendre les processus observables dans les océans, sur la banquise et dans l’atmosphère ainsi que leur interdépendance. « Le caractère dramatique du réchauffement dans l’Arctique n’est pas représenté dans toute son envergure dans les modèles climatiques actuels et l’approximation des prévisions sur le climat est très grande », explique Markus Rex.
  • Le Polarstern en mission : à partir de septembre 2019, le navire de recherche, pris dans la glace polaire, dérivera pendant un an. Foto: © MOSAiC/Stefan Hendricks
    Le Polarstern en mission : à partir de septembre 2019, le navire de recherche, pris dans la glace polaire, dérivera pendant un an.
  • 600 scientifiques de 17 nations différentes veulent obtenir des données pour la recherche sur le climat et l’environnement. Foto: © MOSAiC/Stefan Hendricks
    600 scientifiques de 17 nations différentes veulent obtenir des données pour la recherche sur le climat et l’environnement.
  • Trois autres brise-glaces et avions ravitailleront l’équipage ; des hélicoptères, des véhicules à chenilles et des motoneiges transporteront les équipes et le matériel. Foto: © MOSAiC/Stefan Hendricks
    Trois autres brise-glaces et avions ravitailleront l’équipage ; des hélicoptères, des véhicules à chenilles et des motoneiges transporteront les équipes et le matériel.
  • L’un des objectifs de l’expédition est de mieux comprendre les processus qui se mettent en place dans les océans, dans la banquise et dans l’atmosphère ainsi que leur interdépendance. Foto: © MOSAiC/FRoedel
    L’un des objectifs de l’expédition est de mieux comprendre les processus qui se mettent en place dans les océans, dans la banquise et dans l’atmosphère ainsi que leur interdépendance.
  • Ce projet est considéré comme la plus grande expédition dans l’Arctique de tous les temps. Foto: © MOSAiC/Mario Hoppmann
    Ce projet est considéré comme la plus grande expédition dans l’Arctique de tous les temps.

L’Arctique, une région de conflits ?

L’Allemagne accomplit des missions scientifiques aux deux pôles. Dans le village le plus au nord de la planète, sur l’île du Spitzberg, une base de recherche est exploitée en commun avec la France. Au Pôle Sud, la base Neumayer III se tient prête pour les chercheurs et les chercheuses. La recherche climatique constitue certes l’objectif principal de cet engagement, mais l’Arctique présente aussi un intérêt politique pour le gouvernement fédéral. Au total, cinq ministères sont impliqués. Il en va de matières premières qui, avec la fonte des glaces, seront à l’avenir accessibles, ainsi que de nouvelles voies navigables, de protection de l’environnement, d’opportunités économiques ou encore d’aspects qui relèvent de la défense.

Les autorités compétentes pour la surveillance extérieure au sein du Service fédéral de renseignement (BND) observent également ce qui se passe au Pôle Nord et dans les environs. D’après les services secrets, « l’Arctique, en grande partie inhabitable, est susceptible de devenir une région de conflits dans le futur. Il existe de la part des États riverains des revendications sur la propriété de terres supposées riches en matières premières et qui n’ont pu jusqu’ici être clarifiées de manière définitive. Environ la moitié des 20 millions de km2 que comprend l’Arctique se trouvent sur un plateau continental sur le territoire duquel les États côtiers disposent de droits souverains pour l’exploitation des ressources.

Sur le plan politique, l’Allemagne n’a aucun pouvoir de décision dans l’Arctique, car c’est avant tout l’affaire des États riverains représentés directement ou indirectement auprès du Conseil de l’Arctique : la Russie, la Norvège, les États-Unis, le Canada, le Danemark, la Suède, l’Islande et la Finlande. L’Allemagne dispose uniquement d’un statut d’observateur et s’exprime surtout en faveur d’une utilisation écologique et durable des possibilités présentées par cette gigantesque région. Mais l’espace polaire est aussi intéressant au niveau économique. Les entreprises allemandes achètent du pétrole et du gaz en Norvège et en Russie. En outre, elles participent, à travers l’ingénierie mécanique, à l’extraction des matières premières.