De l'allemand jusqu'à Kédougou
Frau Anna!

Il est 10H du matin à 732 km de Dakar. L'air vibre. Quelque part on entend une chèvre bêler. Le professeur d'allemand Herr Tine et moi entrons dans la salle de classe de la 4ème du Lycée Mame Cheikh Mbaye de Tambacounda. Un ventilo solitaire tournoie au plafond. Les 45 élèves de la classe se lèvent avec un grand « Guten Morgen, Herr Tine ! »
Herr Tine me présente : "Das ist Anna aus Deutschland. Sie wird eine Woche Unterricht mit euch machen." (Voilà, Anna. Elle vient d'Allemagne et fera cours avec vous pendant une semaine). Je laisse glisser mon regard sur les visages curieux. Du dernier rang on entend un timide « FC Bayern! » - Ce n'est pas faux, je viens de Bayern, j'explique et je déclenché presque une discussion passionnée sur le foot. Bon, au moins la glace est brisée!
On divise la classe en deux, car je ne me sens pas capable de gérer 45 élèves en même temps. Mais le cours roule comme sur des roulettes – je ne m'attendais pas à une telle motivation! Les élèves sont tous dans leur première année d'apprentissage d'allemand, mais on pourrait croire que l'allemand est déjà leur matière préférée. Les élèves de 3ième sont eux aussi très curieux notamment parce que la plupart n'ont jamais rencontré une allemande. On joue au Memory, on chante, on pose des questions et on rigole. Les élèves ont quelques difficultés au démarrage pour comprendre ce que je demande, car les exercices interactifs sont rares dans les grandes classes. Mais après ca marche sans problèmes! Leur enthousiasme me fait même oublier les 45°C àl'ombre pendant quelques heures.
Les autres cours se passent également sans difficulté. Si tous les élèves en Allemagne étaient aussi motivés – le métier de prof serait un métier de rêve! Quand je veux quitter la salle de classe après le dernier cours, j'entends des appels forts « Frau Anna ! Frau Anna ! – bien sûr, j'ai oublié la séance photo obligatoire! Après plusieurs photos de groupe et une photo avec chaque élève je dois me dépêcher pour attraper mon bus, qui doit m'amener à Kédougou !
Quand le bus arrive à Kédougou, une image différente m'attend. 80% de la ville est constituée de cases faites d'argile. La plupart des routes sont faites de sable rouge, sur lesquelles défilent des enfants, des poules, des moutons, des cochons et des chèvres. Des fois même une vache. Il y a un cratère d'1 mètre au milieu de la ruelle de l'école - merci l'hivernage! Le Collège Kédougou Commune II est constitué de plusieurs salles de classe faites de béton, qui ressemble à des bunkers et qui n'ont que des toutes petites fenêtres, qui laissent passer ni air ni lumière. Il n'y a pas de ventilo et seulement deux salles de classes ont du courant.
En ce moment, je ne me pose qu'une seule question : Ici des élèves apprennent l'allemand ?!
Et bien oui! Environ 50 élèves apprennent l'allemand ici – en première, deuxième ou troisième année. Certains ont même de grandes ambitions. Une fille raconte, qu'un jour, elle voudrait fonder une entreprise en Allemagne et une autre voudrait devenir germaniste plus tard. En conséquence, leur investissement dans les cours est énorme. Je finis à peine de poser ma question et déjà 20 doigts se tendent vers moi.
Mon moment favori était sans doute le match de foot pour clôturer. Les élèves formulent eux-mêmes des questions (sur le thème « Couleurs et Métiers »), qu'ils écrivent sur des petits bouts de papier. Ensuite ils sont divisés en deux équipes – FC Barcelone vs. FC Bayern – olé olé olé oléééé ! Après je leur pose l'un après l'autre les questions qu'ils ont écrit et ils doivent y répondre. L'équipe qui répond le plus rapidement, avance sur notre terrain de foot dans la direction du but des opposants. A la fin, c'est le FC Barcelone qui gagne avec un solide 3 :1.
En tout et pour tout les deux semaines à Tambacounda et à Kédougou étaient une expérience enrichissante. Il est fascinant de voir combien d'élèves s'intéressent à l'allemand et l'apprennent avec joie aussi loin à l'intérieur du Sénégal – un pays dont la plupart des Allemands connaissent à peine le nom. J'espère que d'ici 10 ans, je pourrais retrouver l'un ou l'autre élève en Allemagne – soit en tant que germaniste, soit avec sa propre entreprise.