La musique actuelle de l'Allemagne  Popcast #12/2025

Popcast 12/2025 Afar © Afar

Ce mois-ci avec la musique de:

Power Plush | Corner.Company
AFAR | Laut & Luise
Megaloh | Chinonso Records
Schreng Schreng und La La | Rookie Records
Pogendroblem | Kidnap Music
Auteur: Ralf Summer
Locateur (Anglais): David Creedon
Voix de femme haut-parleur (Anglais): Louise Hollamby Kühr

Auf geht’s ab geht’s
Das ist unser Jahrzehnt
Wir entscheiden
Wie es ausgeht
[C'est parti ! 
C'est notre décennie
C'est nous qui décidons
Comment ça va finir ?]
 Pogendroblem, « Unser Jahrzehnt »
Power Plush

Power Plush | © Lucija Durinovic

Le quatuor power pop de Chemnitz Power Plush a trouvé son Love Language avec son deuxième album, récemment sorti. Il y est question de toutes les facettes possibles de la vie commune, délicatement enchâssées dans des murs compacts de guitares, avec des refrains accrocheurs et des couplets pop. Plus rapides, plus fortement axés sur la guitare et moins « plush » que sur leur premier album, sorti en 2023, les nouveaux morceaux reflètent clairement l'expérience acquise lors de diverses tournées où le groupe jouait en première partie, notamment avec Kraftclub, Von Wegen Lisbeth ou Tocotronic, dans le cadre de festivals et de leurs propres tournées. Le son, solidement ancré dans le début des années 90 et rappelant le rock universitaire américain, brille avant tout par son écriture astucieuse,  qui touche toutes les cordes sensibles et développe les immenses qualités inhérentes aux grands succès.  
Afar

Afar | © Afar

Musique mécanique pour âmes sensibles : voix froides, batterie monotone issue d'appareils analogiques et guitares brutes, timides, effleurées, puis à nouveau rythmées et entraînantes, ici et là un synthé qui ne connaît pas de préréglages. Le charme industriel et sombre du duo berlinois Afar naît de la tension entre l'organique et l'électronique. Ils restent inaccessibles et intouchables, toujours juste à côté, quelques pas en avant ou en arrière. Les deux membres du groupe, Elena et Joseph, qui décrivent leur travail sans fioritures comme « une collaboration entre deux musicien·ne·s », ont enregistré les neuf chansons de Changing Rules en trois mois dans une vieille villa louée par un collectif d'artistes, mais qui est sinon abandonnée aux forces de la nature. Tout a été enregistré en direct, de nuit ou sous la pluie, fenêtres ouvertes, les sons environnants faisant partie intégrante de l'œuvre, comme le kalimba, le carillon éolien ou un mot murmuré. 
I can see the future, I can see blood
Afar, « No More Advice »
Megaloh

Megaloh | © Arnaud Ele

Comme il y a quelques années dans les sept chambres du Wu-Tang Clan, le nouvel album du rappeur berlinois Megaloh traite du symbolisme extrême-oriental dans la lutte pour la survie urbaine. La discipline, la spiritualité et une esthétique sonore minimaliste sont les piliers de cette oeuvre nommée d'après la plante mythique qu'est le lotus noir, Schwarzer Lotus. Sans touches d'afrobeat, sans refrains ni chœurs tapageurs, avec une instrumentation sobre et un rap très discret, la plupart des morceaux se contentent d'un beat, de quelques boucles et d'un rap clair pour déployer tout leur effet. À cela s'ajoutent, comme chez les modèles de ce grand clan, des samples vocaux tirés de vieux films de kung-fu. Megaloh jette ainsi un pont vers le pays d'origine de cette musique et vers une époque révolue du hip-hop, offrant un contrepoint rafraîchissant au rap de rue, incroyablement populaire en Allemagne. Un manifeste puissant d'indépendance artistique, de liberté et de sérieux. 
Schreng Schreng & La La

Schreng Schreng & La La | © Charles Engelken

Le duo Schreng Schreng & La La, originaire de Düsseldorf, est un groupe de folk rock acoustique avec une formation minimaliste, composée d'une guitare et d'une voix (d'où « Schreng Schreng » pour la guitare et « La la » pour le chant). Il a modernisé le genre quelque peu poussiéreux des chansonniers allemands afin de couler leur folk humoristique et toujours politiquement engagé dans de courtes perles musicales. Émouvants et poétiques, mais aussi sereins et incisifs, ils brossent, sur des accords de guitare simples et ouverts, le portrait d'un présent ayant abouti à une impasse. En août est sorti leur quatrième album studio, Catch & Release, produit avec quelques musiciens à la batterie et aux claviers, utilisés avec parcimonie, et accompagné de diverses guitares, ce qui leur a permis d'élargir considérablement leur palette stylistique. Ainsi, outre les chansons folk calmes et sages, quelque peu idiosyncrasiques, on trouve également, parmi les 11 morceaux de courte durée, un morceau punk bruyant et même des incursions dans la pop. Et pour les plus grands fans, l'histoire du groupe est disponible sous forme de livre depuis 2024, mais uniquement en allemand, pour l'instant. 
Pogendroblem

Pogendroblem | © Marie Poulain

Pogendroblem, un quatuor mixte qui fait partie de la scène punk allemande, impressionnante par sa taille et sa diversité, vient également du centre du pays. Rapide, furieuse, carrée et idéologique : la scène punk actuelle a clairement pris position, elle défend l'antifascisme, la liberté, la démocratie de base et la tolérance. Mais il est question aussi de dimension personnelle, de surmenage face à des conditions de vie de plus en plus difficiles et d'un avenir de moins en moins sûr ; « No Future », le slogan des premiers punks en 1976, semble toujours d'actualité. Sur leur quatrième album au titre pessimiste, Great Resignation, Pogendroblem se montre en grande forme, leur punk rapide et précis est moderne, agressif et engagé. Le groupe a produit un portrait saisissant de la jeune scène allemande pendant la pandémie : leur film Auf der Suche nach der Utopie (À la recherche de l'utopie) peut être visionné gratuitement sur YouTube. L'impatience grandit à l'approche du grand anniversaire du punk l'année prochaine !  

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