Sans-abrisme
Des logements temporaires

Avantages et limites des mini-maisons construites en Allemagne pour offrir un toit aux sans-abri.
De Petra Schönhöfer
Quiconque a déjà vécu un festival sous tente, les pieds dans l'eau, appréciera à sa juste valeur le service que propose la start-up berlinoise My Molo : de petites maisons mobiles possédant tout l'équipement nécessaire pour permettre aux joyeux festivaliers de se protéger des intempéries, tout en profitant d'un peu d'intimité. Mais que faire de ces installations à la fin de la saison ? En 2016, Nico Marotz et Fritz Ramisch se sont dit qu'ils allaient collaborer avec Kältehilfe Berlin (dispositif d'accueil hivernal) et l'aumônier des sans-abri Wolfgang Willsch afin de mettre leurs « lodges », comme ils les appellent, à la disposition des plus démunis durant l'hiver.
Mini-maison, maxi-demande
L'idée de proposer des mini-maisons aux sans-abri en Allemagne n'est toutefois pas neuve. Tout commence en 2016, quand Sven Lüdecke lance Little Home à Cologne. C'est après sa rencontre avec une personne sans domicile fixe qu'il décide de construire une maisonnette. Sa démarche trouve rapidement un écho et aujourd'hui, son association fabrique des tiny houses presque à la chaîne.
D'une superficie de 3,2 mètres carrés, elles se composent de panneaux en aggloméré, d'un sol en PVC, de polystyrène, d'une porte et de deux fenêtres à soufflet. À l'intérieur, on retrouve un matelas, une étagère, une trousse de premiers secours, un extincteur, des toilettes de camping, un lavabo et un petit plan de travail avec coin cuisine. Cette maisonnette d'une valeur de 1050 euros est mise gratuitement à la disposition des sans-abri. Bien que le projet soit soutenu entre autres par Caritas et par de grandes entreprises, la majorité des dons proviennent de particuliers. Aujourd’hui, Little Home s’est développée et s’exporte dans d'autres villes comme Berlin, Francfort et Hambourg. Des critères stricts sont imposés aux futurs occupants : consommation d'alcool limitée, pas de drogue et une volonté manifeste de quitter la rue. Néanmoins, la demande est immense et plus de 15 000 personnes figurent sur la liste d'attente.
Un rôle censé incomber aux communes
Les critiques vis-à-vis de ces projets sont pourtant nombreuses, notamment parce que les conditions de logement dans les tiny houses sont jugées inhumaines, ou que la sécurité est considérée comme insuffisante car non conforme aux normes imposées par les organismes compétents en matière d'hébergement d'urgence. Le Bundesarbeitsgemeinschaft Wohnungslosenhilfe déplore également, avec ces initiatives privées, une déresponsabilisation des communes. En Allemagne, celles-ci sont légalement tenues de fournir aux sans-abri un logement digne ; elles devraient donc être contraintes de remplir cette mission.
Or Sven Lüdecke sait que le problème se règle rarement du jour au lendemain et pour lui, ses mini-maisons sont des tremplins. « L'expérience acquise par Little Home au cours des premières années ne laisse planer aucun doute : les maisonnettes ont un impact sur les gens ! C’est une première étape, mais une étape essentielle sur le chemin de la réintégration au sein de la société. Une sorte de période d'essai peut-être, un instant de sérénité sur le chemin de la réinsertion ». Et les chiffres viennent confirmer cette thèse : jusqu'à présent, environ 190 mini-maisons ont été construites par Little Home et ont accueilli des occupants dans 21 villes à travers le pays. Sur ces 190 occupants, 133 ont déjà pu emménager dans leur propre habitation et 127 ont même retrouvé du travail.
Plus petit, toujours plus petit
Depuis, il existe encore plus compact : le logement sur roulettes conçu par Wolfgang Goergens ne totalise que deux mètres carrés. Cet entrepreneur s'est d'abord fait un nom dans les pensions de luxe pour chiens avant de se consacrer à sa création, LessHome, à Berlin. Un réchaud à gaz, un réfrigérateur avec batteries haute capacité, une petite télévision, une cafetière, un lave-linge manuel, une douche assise, des toilettes sèches, des armoires... Et à l'extérieur, on trouve même une boîte aux lettres et un compartiment pour recueillir les dons du voisinage. Cette structure minimaliste peut être déplacée comme un chariot. Coût : environ 2000 euros, l'idée étant de financer le projet grâce aux publicités qui recouvrent ses parois externes.