Mirath:Music – Zaid Hilal  Hayyed

Cover Zaid Hilal © Zaid Hilal
 

Cover Zaid Hilal - Hayyed © Zaid Hilal

« Hayyed – حيّد » est une chanson issue du folklore régional et palestinien, datant de la révolte arabe de 1936 en Palestine. Pour ce titre, l'artiste s’est appuyé sur la version interprétée par la chanteuse palestinienne nazaréenne renommée, Hajjé Badriyya Younis. Elle y raconte, de sa voix brute, tenace et chargée et d'émotion, l'histoire d’Hasna et Ghbeishi.


« La chanson est en elle-même un témoignage historique, mais les informations qu’elle nous fournit sur l'égalité sociale, l'injustice de l'oppression et l’aperçu culturel qu'elle nous livre d’une époque révolue sont précieux pour nous, auditeurs d'aujourd'hui. C’est le nouveau cycle d'oppression dont les Palestiniens ont fait l’objet en mai 2021 qui m'a poussé à revenir au folklore et recourir aux sons qui racontent notre histoire au début du 20e siècle. » (Zaid Hilal)

La chanson raconte l'histoire de Ghbeishi, jeune homme issu d'une petite tribu bédouine jordanienne et qui s'est battu contre le mandat britannique en Palestine à la fin des années 1930. Il tombe amoureux de Hasna, dont les parents s'opposent à leur union en raison de leur différence de statut social. Les deux amoureux décident alors de s’enfuir ensemble, mais la famille de Hasna demande au général britannique de l'armée arabe jordanienne, Glubb Basha, de les aider à récupérer leur fille. Ce dernier envoie donc aux trousses Ghbeshi une escouade lourdement armée, qui le traque et le tue.

Les paroles de la chanson sont une conversation entre Hasna et Ghbeishi, dans laquelle la voix originale de Badriyya Younes et celle de l'artiste s’entrelacent. En juxtaposant le présent et le passé, les deux voix ressuscitent ainsi un patrimoine ancien grâce à la technologie. « Je me sens très honoré de chanter à ses côtés, d’autant plus que différentes époques et des événements similaires se rejoignent dans une même chanson. », explique Zaid Hilal.

L'enregistrement intègre des bruitages reconstituant l'atmosphère de l’époque sur le plan sonore : les cris d'un aigle, le roulement des roues d'une cariole tirée par un cheval, des applaudissements... Par endroits, l'instrumentation fait écho au bruit des armes évoquées dans la chanson.


Parolier : Probablement Hussein Alloubani
Lien vers la chanson originale
Période d'enregistrement : probablement les années 1940/1950
Instruments : Synthétiseur, lifters, riqq, tabla, percussions, piano électrique.

Ce qui motive mon travail

La musique est un support qui transcrit l'histoire à travers les rythmes et les paroles et qui enferme et préserve, entre ses strates multiples, le folklore et le patrimoine. Ce dernier, somme de coutumes, de croyances et d'expériences vécues, est à mon sens un trésor national qui reflète et retrace des comportements historiques importants. Musique et patrimoine sont ainsi complémentaires.   

En tant que musicien palestinien vivant en Palestine, j'ai souvent été témoin de l’invasion quotidienne, faite par l'occupation israélienne, de notre patrimoine. Elle se manifeste par l'appropriation culturelle et l'altération de notre cuisine, notre musique, nos tenues vestimentaires, nos dessins, nos symboles patriotiques, notre histoire elle-même. Force m’est de constater, dans ces conditions, l'importance du rôle joué par la musique dans la préservation et la documentation de notre histoire, de notre identité et de notre lutte pour la justice. La musique et l'art deviennent ainsi, pour moi, un moyen de combattre ces attaques extérieures menées contre notre présence, notre présent et notre patrimoine.  

Comme l'a montré le projet Mirath:Music, notre accès à notre patrimoine, sa documentation et son archivage sont des tâches difficiles en général. Dans notre cas, il s’agit d’un réel défi, parce qu'en tant que Palestiniens, nous ne disposons pas d'archives unifiées, en raison des colonisations successives subies et des efforts permanents déployés pour effacer notre histoire. Le peu qui en reste, suite au pillage et aux attaques effrénés menés par les Israéliens, est éparpillé entre nombre d'institutions situées dans différents pays du monde ou entre les mains d’individus qui ne rendent pas toujours ce patrimoine accessible. 

La musique m'aide, non seulement à exprimer ce que je ressens et ce que je vis, elle me permet aussi de raconter des histoires, que j'ai choisi de récupérer du passé, ou de partager des expériences vécues, d'une façon accessible aux auditeurs.