Que s’est-il passé?

Roland TB-303 © © Steve Sims, CC0, via Wikimedia Commons Roland TB-303 © Steve Sims, CC0, via Wikimedia Commons

Lorsqu’à la fin des années 80 un nouveau son électronique dur, venu de la lointaine ville de Détroit, s’est soudainement répandu dans les haut-parleurs des clubs de l’ouest de l’Allemagne, alors divisée, la jeunesse du pays a tendu l’oreille.

Le gazouillis caractéristique du synthétiseur de basse japonais Roland TB-303, en séquences chromatiques répétitives, et les rythmes four-to-the-floor ont touché une corde sensible. Le moment était venu de passer à quelque chose de nouveau. La force révolutionnaire du punk s’était usée et l’hédonisme rebelle des glorieuses années 80 s’était révélé cynique en temps de guerre froide.

C’était une période sombre et sans perspectives, marquée par les débats sur l’énergie nucléaire, les pluies acides, la récession, Helmut Kohl et les superpuissances de plus en plus hostiles les unes envers les autres depuis longtemps. La destruction de la planète, que ce soit d’une manière ou d’une autre, ne semblait plus irréaliste. Puis, ce qu’on appelait alors le bloc de l’Est s'est effondré. En 1989, le mur qui avait divisé l’Allemagne en deux parties, l’Est et l’Ouest, est tombé. Les gens des deux côtés pouvaient enfin se réunir et défier le déclin en faisant la fête ensemble. La techno représentait la bande-son parfaite. Le climat politique prudemment optimiste de l’époque, les nouveaux sons et les nouvelles technologies ont inspiré au début des années 90 une génération qui n’avait plus envie de se disputer et d’avoir peur, qui voyait un chemin commun vers un avenir plus pacifique et célébrait dans l’euphorie le début de cette nouvelle ère. À Berlin, Francfort, Cologne et dans bien d’autres villes allemandes, des sous-cultures radicales, encore indépendantes les unes des autres, ont vu le jour et se sont reconnues dans la techno, la house et une redéfinition de la notion de night life. Lorsque les différentes scènes locales se sont rencontrées à la troisième Love Parade de Berlin, à l’été 1991, cette tendance s’est transformée en un mouvement national. Prêts à expérimenter et à dépasser les limites, les fêtards sont devenus des créateurs de musique, ils se sont exercés en tant que DJ lors de soirées auto-organisées et ont fondé des clubs, des labels ou des magasins de disques. Pendant une courte période, une jeune génération s’est activée pour travailler à la création de son propre microcosme. En marge des structures établies, un vaste réseau a vu le jour, dans lequel tout semblait possible pendant un certain temps.
 

À propos du dossier

Le dossier Techno Land propose en images, en récits et en musique un voyage dans l’Allemagne du début des années 90 et dans la culture techno, qui en était alors à ses tout débuts. Celle-ci a commencé en tant qu’importation culturelle des États-Unis, avant de développer une dynamique propre qui lui a permis de s’inscrire dans la culture allemande. Nous nous sommes entretenus avec quelques-uns des protagonistes de l’époque, avons déterré une pile de vieilles photos et ressorti nos vieux disques dans l’espoir d’offrir une image aussi authentique que possible d’une sous-culture qui a changé l’Allemagne. Cette influence, on la retrouve également dans l’exposition Techno Worlds du Goethe-Institut, qui présente des œuvres d’art provenant de partout à travers le monde et inspirées par la techno.

Merci:

Traductions
Caroline Gagnon (vers le français)
Darryl Natale (vers l'anglais)

Les entretiens ont été réalisées par Dennis Kastrup.
Lettres dansantes : Monik Richter.