Introduction
Allemagne, pays de jazz
Le jazz allemand est varié. Rares sont les scènes de jazz en Europe qui offrent une aussi grande panoplie de styles, de traditions et de positions de jeu. Du blues, boogie-woogie et dixieland jusqu’au jazz-rock, free jazz et autres formes de fusions avec la nouvelle musique, la musique du monde, le hip-hop, l’ambient, la musique folk et populaire en passant par le swing, le bebop et le cool Jazz, presque tous les styles de musique improvisée jouissent d’une grande popularité.
Le jazz est joué souvent et surtout en live, par de jeunes diplômés tout comme de vieux briscards. Il dispose d’un public nombreux et connaisseur, d’une histoire riche en événements et mouvementée qui, en raison du système politique fédéral, présente aujourd’hui de nombreuses particularités régionales et jouit d’une dynamique artistique qui, après la chute du mur, a été de plus en plus reconnue et appréciée dans le monde : le jazz venu d’Allemagne et en Allemagne a acquis entretemps une identité propre, fruit tout autant de l’histoire que de la nature des formations, du paysage des concerts et des clubs et des particularités structurelles et politiques du découpage régional.
Passé séparé, présent commun
L’Allemagne est un État fédéral qui a été divisé en deux systèmes politiques durant quatre décennies. À l’ouest, après l’émancipation des modèles américains et depuis la fin des années 60 au plus tard, l’évolution a été déterminée par un équilibre entre remise en cause des traditions et conservatisme. Si, après 1970 et sous l’influence de la scène de Wuppertal, le free jazz a semblé plus riche en musiciens que les autres styles, comme par exemple le saxophoniste Peter Brötzmann, le jazz d’Allemagne de l’Ouest se distinguait dans l’ensemble par un large éventail de formes d’expression, allant des expérimentations d’Albert Mangelsdorff au jazz-rock de Klaus Doldinger.
Les musiciens de la RDA ont suivi leur propre voie, tiraillés entre contrôle étatique et identité artistique. Quelques-uns, comme le pianiste Ulrich Gumpert, ont développé, à côté du free jazz, un cocktail de styles mélangeant chanson populaire, chants de travailleurs et baroque saxon, suscitant toutefois peu d'émules après la chute du mur. En revanche, malgré les frontières politiques, de nombreux contacts fructueux avaient déjà eu lieu avant 1989 entre les scènes jazz des deux états, lors de festivals ou de tournées par exemple, qui ont facilité leur rapprochement après la réunification.
Particularités structurelles
Un réseau dense d’institutions, d’activités et de mesures de soutien contribue à assurer la qualité du jazz allemand. La radio joue ici un rôle important. L‘Arbeitsgemeinschaft der Rundfunk-Anstalten Deutschlands (ARD) (Communauté de travail des établissements de radiodiffusion de droit public : N.d.T.) est non seulement en mesure d’attirer l’attention sur certains centres de jazz grâce à ses stations régionales, mais aussi, grâce à ses enregistrements et son soutien aux festivals et aux clubs, de promouvoir activement la musique et de l’archiver de façon étendue.
Impulsions venues du monde entier
Le jazz en Allemagne est aussi fortement influencé par des musiciens étrangers, dont l’expérience musicale donne de nouvelles impulsions aux musiciens de Flensburg à Garmisch. La variété potentiellement infinie du jazz alliée à l’ouverture d’esprit des acteurs, organisateurs, médias et du public est un facteur qui attire des musiciens du monde entier en l’Allemagne.
Aki Takase, Vladyslav Sendecki, David Friedman, Kalle Kalima ou Cymin Samawatie ne sont que quelques-unes des nombreuses sommités qui, grâce à leurs projets et à leurs groupes, donnent une impulsion internationale en Allemagne.
Centres régionaux
Chaque scène de jazz a son propre style. Frankfort a été influencée par l’école de l’avant-garde réunie autour d’Albert Mangelsdorff et Heinz Sauer. Hambourg est considérée comme la capitale du courant moderne, Hanovre a été autrefois le fief de l’acid jazz. Weilheim en Bavière est connue pour sa synthèse de post-rock et d’avant-garde jazz, Wuppertal est synonyme de free Jazz. Berlin et Cologne abritent une grande variété de styles de jazz, même si tous ces classements ne sont que les points de départ d’une première orientation.
Notamment à Berlin, une scène internationale s’est constituée ces dernières années qui, au-delà des différences de style, de genre et de générations, sert de référence grâce à son charme de sous-culture ainsi qu’à un cosmopolitisme original et ne craint pas la comparaison avec New York et Londres. « Jazz - made in Germany » représente donc plus qu’une marque. C’est une option, une chance et une perspective.
Interconnexion des scènes
Personnalités artistiques
Ce qui reste néanmoins central, même à une époque riche en style, multiculturelle et ouverte aux flux migratoires, c’est la personnalité artistique qui distingue le musicien de jazz du reste du monde musical. L’originalité est recherchée et certains genres ont vu émerger des groupes et des artistes insolites au cours des dix dernières années. Le trio avec piano, par exemple, a connu un développement fulgurant autant en Allemagne qu’à l’international. Des groupes comme le trio Tingvall d’Hambourg, Michael Wollnys (em) de Berlin ou le trio Pablo Held de Cologne réussissent aussi bien à convaincre le public qu’à explorer de nouveaux territoires à l’aide d’expérimentations conceptuelles, structurelles et langagières.