Nouvelle musique
Tendance – la nouvelle musique dans les écoles supérieures
C’est un défi. Le quotidien n’est pas facile pour la nouvelle musique, et ce même si les spécialistes et la critique l’ont depuis longtemps canonisée. Les écoles supérieures en Allemagne sont très actives afin de la rendre accessible aux étudiants et au public.
La nouvelle musique est protéiforme et inconfortable, elle sonde les limites, provoque et surprend. Cela paraît excitant. Et pourtant, la musique contemporaine a un problème d’image : elle est considérée comme difficilement transmissible. La « transmission » est ainsi devenue un mot clé de la scène, notamment dans les écoles supérieures de musique allemandes, dont beaucoup possèdent un institut dédié à la nouvelle musique. Aucun de ces instituts ne peut renoncer aux offres correspondantes : par souci du « public de demain », souvent cité, et en raison du financement par des tiers, dont aucune institution étatique ne peut se passer. Et la question du type, de l’envergure et de la qualité des programmes, qui sont tout aussi multiples que l’ « éducation culturelle » elle-même, n’a pas encore été abordée.
Ce terme relie deux notions d’ensemble complexes et signifie dans le cas de la nouvelle musique : vaincre les blocages, représenter la diversité, recruter la relève. Le spectre d’initiatives qui en résulte va de la formation d’enseignants au maintien d’orchestres et de concerts, sans oublier les coopérations avec les institutions culturelles externes et la formation de médiateurs musicaux pour les programmes d’études nouvellement créés.
AUSSI POLYPHONIQUE QUE LA SCÈNE ELLE-MÊME
La Hochschule für Musik und Darstellende Kunst (HfMDK) Frankfurt (école supérieure de musique et d’arts vivants de Francfort) a placé sa Neue-Musik-Nacht 2017 (nuit de la nouvelle musique 2017) sous le thème de « action-réaction ». Elle exprime ainsi un mot d’ordre fondamental d’une transmission réussie : l’objectif doit être de créer des espaces consacrés à la discussion et de maintenir le discours vivant. La Hochschule für Musik, Theater und Medien (HMTM) Hannover (école supérieure de musique, de théâtre et des médias de Hanovre) y souscrit également dans son programme de médiation intitulé Incontri (rencontres). À Munich, on mise avant tout sur le soutien de haut niveau : depuis 2012, l’Akademie für Neue Musik (académie pour la nouvelle musique) organise des classes de maître avec des interprètes de renommée internationale comme l’Arditti Quartett ou des compositeurs célèbres comme Wolfgang Rihm, dont le rayonnement dépasse le cadre de l’école supérieure.Les élèves de Rihm à l’école supérieure de Karlsruhe profitent du fait que les concerts-examens sont publics et les œuvres interprétées par l’orchestre de l’école supérieure de nouvelle musique ou le ComputerStudio à l’Institut für Neue Musik und Medien (institut pour la nouvelle musique et les médias). Ils bénéficient en outre de coopérations avec des diffuseurs externes. Les orchestres et concerts maison ainsi que les partenaires externes semblent être la formule gagnante des écoles supérieures allemandes dans leurs efforts de diffusion. À Cologne, on soutient l’Ensemble 20/21 et on entretient des contacts étroits avec la radio Deutschlandfunk, l’ensemble Musik-Fabrik et le festival Wittener Tage für neue Kammermusik. À Stuttgart, on parle davantage d’un « réseau » de diffusion : par et pour les étudiants et collaborateurs, mais également en collaboration avec des institutions comme le festival Donaueschinger Musiktage ou la radio Südwest-Rundfunk. Par ailleurs, une plate-forme transdisciplinaire, le Campus Gegenwart, a été créée et dotée de deux nouveaux professorats pour l’esthétique contemporaine et la performance.
À l’institut berlinois « Klangzeitort », on entretient également une coopération au-delà des institutions. L’Institut für Neue Musik (institut pour la nouvelle musique), commun à la Universität der Künste (l’université des arts) et à la Hochschule für Musik Hanns Eisler (l’école supérieure de musique Hanns Eisler), se veut un « laboratoire pour la composition musicale et un contact réfléchi avec la musique contemporaine ». En outre, la capitale hisse haut l’étendard de la « relation inter et transdisciplinaire de la musique » et ce, également « dans une approche considérant les sciences humaines et naturelles ainsi que les thématiques sociales et politiques actuelles ».
CONCERTS, COOPÉRATIONS, ORCHESTRES
Cette ambition est également fondamentale pour la transmission de la nouvelle musique dans une période post-factuelle où l’art ne peut plus se contenter d’être « l’art pour l’art ». En effet, les préoccupations majeures de la nouvelle musique et la formation culturelle se rencontrent dans la mesure où elles s’affirment pour l’ambivalence, la contingence, les vérités multiples et la rencontre ouverte avec l’autre. Dans ce contexte, on peut citer la série de manifestations Global Ear de la Hochschule für Musik (école supérieure de musique) de Dresde dédiée aux thématiques sonores interculturelles.De nombreuses écoles supérieures tiennent compte des progrès dans le domaine des nouvelles technologies. Cela n’inclut pas seulement des studios électroniques, mais également des débats et échanges en matière de « comportement, perception, conception et esthétique de la musique à l’ère numérique » comme le reflète le Landeszentrum Musik-Design-Performance de l’école supérieure de Trossingen. L’Institut für Musik und Medien (institut pour la musique et les médias) de Düsseldorf se consacre également à ces questions, tandis qu’à Mayence on comprend « l’art sonore comme une interaction artistique de l’art et la musique ». À Weimar, ville du classicisme, on a en revanche créé l’Institut für die Musik der Gegenwart (institut pour la musique du présent), où on pense ensemble jazz et avant-garde, alors que d’autres voient la musique du futur dans la culture pop, faisant ainsi honneur à la diversité post-moderne.
Par conséquent, il n’existe pas qu’une seule forme de transmission de la nouvelle musique dans les écoles supérieures allemandes. Il est plus approprié de se l’imaginer comme un carrefour animé dans les échanges culturels : la voie entre les institutions servant d’intermédiaires et les groupes cibles respectifs n’est pas à sens unique, mais plutôt un croisement doté de nombreuses intersections. Car on le sait : la musique contemporaine ne peut prétendre à l’actualité que si elle se pratique et se transmet de façon polyphone, à l’instar de la complexité de notre temps.