Dans « Unrevealed », il invite l'auditeur à jouer un rôle actif dans le processus d'écoute et de réflexion, en glanant les différents contextes historiques et temporels entourant chaque mélodie. Il incite l'auditeur à identifier des éléments musicaux disparates, unifiés par le partage d'une même identité culturelle.
Le contenu musical de ce morceau est tiré de deux manuscrits et d'un enregistrement ancien, tous issus de trois époques différentes. L'artiste les a sciemment sélectionnés à partir de son expérience personnelle des œuvres annotées, des archives et des manuscrits. La première piste est une mélodie datant de l'époque abbasside (plus précisément le XIIIe siècle), extraite de l’ouvrage Kitab al-Adwar de Safiy ed-Din el-Urmawi. La deuxième provient d'une mélodie composée au XIXe siècle par Mikha'il Mashaqa et publiée dans son livre Al-Risala al-Shahabiyya, alors que la troisième est un morceau instrumental fort connu, appelé « Sama'i Darej Bayātī », que l'artiste a tiré d'un enregistrement effectué entre 1903 et 1932.
L'artiste fait appel à sa mémoire et à ses connaissances musicales pour imaginer et interpréter un amalgame de ces trois mélodies basées sur le même maqām. En s’appuyant sur la grammaire musicale qui les caractérise, Sahhab réinterprète, improvise et mélange le contenu de ces trois mélopées pour produire un unique morceau. Ce faisant, il sélectionne méticuleusement les éléments qu'il souhaite présenter dans cette version contemporaine de mélodies séculaires.
Durée : 3'40
Instrumentation : qānūn
Date de l'enregistrement original : XIIIe siècle, XIXe siècle, XXe siècle
Archives utilisées : AMAR (Arab Foundation for Music and Research)
Composition : improvisation
Date de l'enregistrement : Août 2021
Ingénieur du son : Fadi Tabbal
Studio d'enregistrement : Studios Tunefork
Ce qui motive mon travail
Mon expérience dans l’univers de la musique est le fruit d'une longue quête, qui m’a mené de l'apprentissage de la musique à l'éducation musicale, en passant par la recherche, la composition et l'interprétation. J’ai commencé par le qānūn1, y affinant ma pratique musicale et, dès lors, ma passion pour cet instrument, l'un des principaux de la musique modale levantine, n’a fait qu’évoluer. Mais le tournant décisif dans la compréhension de la musique s'est produit, pour moi, lorsque je suis devenu chercheur et que j'ai voulu partager mes découvertes avec autrui.
Ma contribution à Mirath:Music est une reprise de mon travail, à la fois chez me'zaf (mon initiative culturelle musicale) et dans mes activités et ma pratique musicales, plus amples. Dans mon projet, j’ai choisi de retourner aux sources qui m'étaient les plus familières, comme les archives audio, les manuscrits, les tablettes, les témoignages écrits et oraux, et j'ai emboîté le pas au courant qui choisit d’innover la musique en partant de la tradition modale classique.
Je me suis attaché, dans mon travail sur ce projet, à souligner l'importance de notre langage musical levantin, enraciné localement, et à mettre en évidence sa complexité, sa polyvalence et sa diversité, en jouant et en composant sur le qānūn. Tout au long de mes compositions, j'ai mis en application les divers enseignements tirés de ma pratique musicale. Mon travail met ainsi en exergue les potentialités multiples de la musique modale (basée sur les maqām), une approche très éloignée de celle, harmonique, occidentale, de plus en plus présente dans les pratiques musicales au Levant.
Les influences musicales occidentales ont pénétré les pratiques musicales de la région par le biais de l'éducation, de l'industrie du disque et, dans de nombreux cas, de la production et de la diffusion de la musique internationale, tournées vers le Nord. Ce phénomène est devenu évident à partir du moment où l'orchestre a envahi notre scène musicale au détriment du takht familier et où l'éducation musicale s'est institutionnalisée au sein des structures éducatives et religieuses. Jusqu'alors, nos pratiques musicales locales se construisaient sur une relation profonde entre le professeur ou le murshed (celui qui guide) et l'étudiant ou le murid (celui qui demande à recevoir). En revenant à ces pratiques, mes compositions fournissent un contre-exemple de cette démarche et puisent dans ce que j'ai goulûment absorbé tout au long de ma praxis.
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Novembre 2021