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Activisme international
Comment les militant·e·s pour le climat s'inspirent et se soutiennent mutuellement dans le monde entier

Le dérèglement climatique impacte les territoires et les êtres vivants de façon asymétrique. Cette asymétrie est liée à l’organisation coloniale, capitaliste et patriarcale de notre société contemporaine. Le combat contre cet Empire relie des militant·es du monde entier. Comment s’organisent-iels au-delà des frontières géographiques et du temps pour soutenir une écologie radicale ? Baïa, 27 ans, militant pour une écologie décoloniale, et Jo, 38 ans, activiste altermondialiste, nous parlent d’internationalisme militant.

L’internationalisme pour lutter collectivement depuis chaque territoire

L’organisation économique mondialisée héritée du colonialisme a fait jaillir un internationalisme militant. Par exemple, entre la France et les territoires français d'outre-mer sur la question du chlordécone, un insecticide qui a été utilisé massivement dans les bananeraies de la Martinique et de la Guadeloupe de 1972 à 1993 et qui a contribué à rendre le cancer de la prostate plus fréquent aux Antilles que partout ailleurs. Baïa, 27 ans, raconte comment des militant·e·s dans les territoires d'outre-mer et en France métropolitaine réfléchissent désormais à la manière de perturber les chaînes d'approvisionnement pour attirer l'attention sur ce problème.

L’internationalisme militant peut aussi être source de soutien direct sur le territoire en lutte. Depuis les années 1990, des actions de blocage et de sabotage ont lieu sur les voies ferrées de part et d’autre de la frontière franco-allemande contre des convois de déchets nucléaires. Des militant·e·s français prennent régulièrement le train pour traverser la frontière et soutenir des manifestations d'Ende Gelände.

Apprendre des autres et créer des amitiés

Pour Jo, « cette solidarité franco-allemande dans la lutte anti-nucléaire s’illustre par des implantations pendant des années de militant·e·s étrangers directement sur les lieux de luttes transfrontaliers. L’internationalisme pour brasser les pratiques de luttes et l’amitié hors les frontières.

Jo a commencé à militer à 18 ans lors de son entrée à l’université via le mouvement altermondialiste : « C’était le temps des contre-sommet internationaux comme le Forum Social Mondial de Porto Alegre au Brésil en 2001. » Jo raconte que ces rencontres étaient l’occasion de se retrouver entre militant·es de tous bords : « Je passais d’un univers militant à un autre. Ça m’a apporté un bagage en termes de compréhension globale des univers militants et des enjeux. » 

Jo explique que : « les rencontres internationales jouent un rôle fondamental dans le brassage de pratiques de luttes et dans la visibilité des luttes locales ». Ce brassage s’opère également à travers les générations. Par exemple la Street Medic, une pratique de lutte née dans les années 1960, développée par le Black Panthers Party et l’American Indian Movement, se retrouve aujourd’hui pratiquée et enseignée dans des lieux de résistance anti-nucléaire comme Bure ou encore dans les mobilisations Gilets Jaunes.

C’est dans cette même idée de transmission militante internationale et transgénérationnelle, que Baïa puise sa démarche écologiste : « En tant que personne afro descendante, c’est rare d’avoir accès à la terre, car là d’où je viens, nos terres sont polluées et ne nous n’appartiennent pas. Alors je m’inspire du marronnage : un mode de résistance écologique et sociale que des personnes noires adoptèrent dans les colonies esclavagistes. Iels s’enfuyaient dans les montagnes et les hautes forêts et réussissaient à y vivre parfois durant des années en développant la rotation de culture et l’autogestion. Comme elles et eux, aller conquérir de nouvelles libertés, par exemple dans la résilience alimentaire, c’est trouver un ancrage dans ma lutte. »  

Freins, écueils et ambitions de l’internationalisme

Baïa évoque un écueil de l’internationalisme militant : « le risque, c’est une forme d’impérialisme, une sorte de récupération et d’appropriation des luttes par des personnes non concernées. De décider pour l’autre ce dont il a besoin, comme dans de nombreuses aides humanitaires qui maintiennent le peuple opprimé dans la dépendance. » Selon Jo, « l’internationalisme a régressé depuis la fin du mouvement altermondialiste au début des années 2000. Il y a une transmission qui n’a pas été assumée avec notamment le vieillissement des activistes et une amnésie militante trop rapide. Il manque une culture internationale des luttes. » 

Pour Jo, « il n’y a pas de recettes absolues pour la victoire. C’est dans la persévérance que l’on construit. Il faut recréer des espaces internationaux pour se rencontrer, partager des pratiques. Il faut se former ensemble, reconstituer les outils tout en essayant de garder les diversités pour ne pas faire un tout homogène. »

On pourrait en dire beaucoup plus sur la façon dont les structures coloniales influencent l'activisme climatique. Matilde, du Portugal, poursuivra donc ces réflexions dans sa contribution. À lire à partir du 15 juillet !
 
La crise climatique a un impact très inégal sur les populations du monde entier et accroît la discrimination. Pour cette raison même, il est important de garder à l'esprit des aspects tels que le classisme, le racisme, le sexisme, le (néo-)colonialisme et de nombreuses autres luttes, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des mouvements de justice climatique.

Pour ce troisième épisode de Blog, Engage, Act !, nos bloggueuses et blogueurs se penchent donc sur les différents thèmes des mouvements. Quelles sont les différences et les points communs ? Comment puis-je sensibiliser les gens aux injustices dans notre monde ? Et surtout : comment les personnes concernées peuvent-elles avoir leur mot à dire dans un monde dominé par les inégalités ?