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Wolf Erlbruch
Le monde vu de Wuppertal

« Moi, papa ours ? »
« Moi, papa ours ? » | Photo (détail) : © Peter Hammer Verlag GmbH

Les albums de Wolf Erlbruch amusent les enfants et les adultes dans le monde entier. Cela tient aussi à ce que l’illustrateur prend son art au sérieux. Il vient d’obtenir le Prix Astrid Lindgren.

Wolf Erlbruch Wolf Erlbruch | Photo (détail) : © Françoise Saur Wolf Erlbruch vient du monde de la publicité mais aussi de celui de l’art. Qu’il soit devenu célèbre en tant qu’illustrateur d’albums pour enfants, est tout à fait logique : c’est un métier où le travail du publicitaire, tourné vers une clientèle, se combine avec les exigences esthétiques de l’artiste, si toutefois l’illustrateur prend les choses au sérieux. Et c’est ce que fait Wolf Erlbruch. C’est bien pour cette raison que les prix les plus prestigieux de son domaine d’activité lui ont été octroyés : du Prix allemand de la littérature de jeunesse (Deutscher Jugendbuchpreis) au Prix Astrid Lindgren, le prix de littérature de jeunesse le mieux doté au monde que Wolf Erlbruch est le tout premier Allemand à remporter cette année, en passant par les Prix Gutenberg et e.o. Plauen, ou encore le Zilveren Griffel (Le Porte-crayon d’Argent), obtenu à trois reprises aux Pays-Bas.

Des traductions dans plus de 30 langues

Wolf Erlbruch, né en 1948, prend son métier tellement au sérieux qu’il avait abandonné son premier poste de professeur, la chaire d’illustration de l’Université de Düsseldorf, spécialisée dans les sciences appliquées, lorsqu’on l’appela auprès de l’Université de Wuppertal. Ce ne furent ni une question de réputation ni le fait que Wuppertal soit sa ville natale qui déterminèrent ce changement, mais bien plutôt la possibilité de pouvoir enseigner l’art à la place de l’illustration qui attira Wolf Erlbruch car il ne voulait pas tomber dans la routine avec ses cours, exerçant déjà cette activité depuis plus de vingt ans.

Il n’était pas seulement l’un des graphistes allemands les plus reconnus, dont la taupeaux petites lunettes ronde avait fait fureur sur les affiches et dans les annonces de la Deutsche Bahn AG, en réussissant à consoler avec humour les utilisateurs confrontés à des chantiers interminables. Non, il avait aussi dessiné en 1989 l’un des albums qui eut le plus de succès dans le monde, dans lequel on retrouvait aussi une taupe à lunettes. L’histoire, écrite par Werner Holzwarth, De la Petite Taupe qui voulait savoir qui lui avait fait sur la tête, traduite en plus de trente langues, rendit célèbre Wolf Erlbruch et son style graphique. Il ne s’agissait-là que de son deuxième album.

Son premier album fut publié en 1985 et se référait à un texte encore jamais publié en Allemagne de l’auteur James Aggrey (1875–1927), originaire du Ghana et qui vivait en Amérique. Dans L’aigle qui ne voulait pas voler, il avait raconté une légende morale africaine ; elle fut alors traduite et illustrée pour paraître dans le cadre du programme spécialisé dans la littérature exotique des éditions Peter Hammer. Pour cet éditeur dont le siège se trouve à Wuppertal, choisir pour illustrateur Wolf Erlbruch, qui vivait là-bas, tombait sous le sens. Entre l’éditeur et le dessinateur, ce fut le point de départ d’une collaboration qui dure encore aujourd’hui et qui, outre les albums, s’est étendue au calendrier pour chambres d’enfants qui paraît chaque année et que Wolf Erlbruch a dessiné pendant plus de deux décennies. Pour 2018, c’est son fils Leonhard, qui marche sur les traces de son père en tant qu’illustrateur, qui a repris cette tâche.

Ne pas s’arrêter à un style

Le travail sur les calendriers a contribué à ce que Wolf Erlbruch se détache de son style devenu célèbre et lié à la taupe. Les premiers albums qu’il a lui–même écrits, Les cinq affreux, Léonard et Moi, papa ours ? qui parurent au début des années90, s’en tenaient encore à cette écriture. Il développa ensuite, notamment grâce à l’influence de son travail de professeur d’arts plastiques, une technique de collage qui lui est propre, en combinant des papiers très divers et des patrons. Au lieu d’être dessinés, les personnages sont créés à partir d’une technique de pose. Devenant l’accessoire principal, les ciseaux remplacent le crayon. Mais en parallèle, Wolf Erlbruch complète ses collages par des dessins et c’est précisément cette technique mixte qui est devenue sa marque de fabrique.

C’est dans le volume intitulé Le canard, la mort et la tulipe, son deuxième plus grand succès, dont il a lui-même écrit le texte, que Wolf Erlbruch l’utilisa de la manière la plus achevée. Ce livre évoque le thème de la mort, inhabituel dans la littérature allemande pour enfants. Mais aussi ses livres s’inspirant d’auteurs comme Goethe, Gottfried Benn, Karl-Philipp Moritz ou James Joyce sont en rupture avec la candeur qu’on trouve habituellement dans ce secteur de la littérature. Il est parfois difficile de dire si Wolf Erlbruch écrit pour les adultes ou pour les enfants. Mais tous le remercient en lisant ses ouvrages.

Ces dernières années, Wolf Erlbruch a réduit ses activités d’illustrateur. Dans sa maison de Wuppertal, il a mis en place une fondation pour la conservation de son œuvre et propose également aux chercheurs un logis et des postes de travail. Comptant parmi les représentants les plus célèbres de son art au plan international, les visites qu’on lui rend à Wuppertal sont nombreuses. Le monde entier attend ses nouveaux livres.