Quatre diplômés de la Weißensee Kunsthochschule Berlin
Vernissage le jeudi 4 février à 19h
En présence des photographes
Introduction par
Stefan Koppelkamm, Professeur de communication visuelle, Weißensee Kunsthochschule Berlin.
En dépit de leur démarche très différente, voire contradictoire en apparence, les photographes
Lars Hübner, Lukas Fischer, Christoph Engelhard et
Jannis Schulz, tous diplômés de l’École supérieure des Beaux-Arts de Weißensee, sont unis par une même attitude et désir de connaissance à l’égard de la photographie.
La complexité ironique de leurs œuvres les lie également : ce qui peut sembler documentaire ou authentique est toujours subjectif et construit.
Les images de
Lukas Fischer prises durant un voyage d’hiver le long de la mer Baltique polonaise, posent la question fondamentale du rapport entre l’homme et son environnement. Le paysage surgit dans l’image, nous ressentons le froid et voyons le brouillard envelopper les immeubles. Nous percevons des personnes cachant leurs mains froides dans leurs vêtements, ainsi qu’un homme en maillot de bain au ventre rougi, qui vient juste prendre un bain de mer glacé dans la Baltique. Nous voyons des cabanons d’été inhabités dans une forêt de pins et des façades d’immeubles à la peinture écaillée datant des années 1960, réminiscence du socialisme et de solidarność, des promesses de bonheur, qui entretemps font partie de l’Histoire tout comme celles du capitalisme moderne. Et à la fin, nous nous demandons si ces images sont les descriptions exactes d’un paysage et de ses habitants ou si elles ne sont pas plutôt le résultat de rencontres fortuites et d’un mode de perception subjectif. Et comme toutes les photographies, elles sont les deux à la fois : des documents et tout à la fois des impressions subjectives et poétiques. On ne saurait résoudre cette contradiction de même que l’on ne saurait quantifier les apports documentaires d’une part et personnels d’autre part présents dans tout travail photographique.
Christoph Engelhard se confronte à son environnement urbain immédiat. Il s’intéresse à ce que nous ne voyons pas d’ordinaire tant cela fait partie de notre quotidien et de nos habitudes : à ce qui est à la « périphérie de notre perception ». Dans son périple à travers Berlin, il découvre sans cesse de nouvelles images énigmatiques : des images qu’il « découpe » à partir de la réalité soit avec un smartphone, soit avec une caméra de moyen format et qu’il sort de leur contexte initial. Échelle et volume sont gommés la plupart du temps et nous ne pouvons plus intégrer ce que nous voyons à notre monde sensoriel. Des images naissent à partir des photographies. À côté de telles décontextualisations, il est également fasciné par des natures mortes porteuses d’étranges rencontres entre éléments : un débardeur blanc homme côtoie une palette de bois, un cactus est réuni à un torse blanc d’homme. Les photos d’Engelhard qui semblent nées incidemment ne retiennent aucun moment dans le temps, ou du moins aucun moment décisif, elles ne fixent que des découpes à partir de l’espace, qui deviennent des compositions graphiques, sans relief. Par cette stratégie visant à sortir les images de leur environnement, il contourne cette exigence de réalité que nous aimons tant attribuer à la photographie.
Jannis Schulze a utilisé un tout autre chemin pour développer un langage visuel très subjectif. Ses travaux, situés entre reportage et journal, mêlent des images prises sur le vif et d’autres composées avec précision à des textes et témoignages très personnels de personnes qu’il a rencontrées. La dramaturgie de ses images narratives suit un schéma subjectif et intuitif, qui se refuse à l’interprétation analytique. Schulze nous fournit des fragments d’un récit en constant mouvement, dont il nous faut combler les blancs en faisant appel à notre imagination, nos expériences et propres souvenirs. Si Schulze ne reste jamais un observateur distancié en tant que photographe, c’est qu’il s’immerge pleinement dans les situations qui font naître ses images. Avec le titre emprunté à Rainer Marie Rilke de son work in progress photographique « Hiersein ist herrlich » il indique clairement ce qui lui importe : poser sur le monde un regard radicalement subjectif et poétique.
Lars Hübner trouve ses thèmes de préférence dans les contrées lointaines. Ce qui s’explique par sa biographie : enfant, il a toujours admiré l’appartement de son grand-père, où étaient rassemblés tous les objets que celui-ci avait rapportés de ses expéditions ethnologiques. En contemplant les images de Hübner, on peut se demander si les photographes sont en mesure de se faire une image appropriée d’une culture, dont la compréhension est entravée par la barrière linguistique. Et pour nous, en tant qu’observateurs, on peut se demander à quel point nous devons connaître l’objet de la photographie pour ne pas juger ces images uniquement d’après des catégories esthétiques. Le handicap apparent du photographe, qui ne lui permettrait que rarement d’atteindre une vraie compréhension de ce qui lui est transmis visuellement, dans le temps très limité dont il dispose, est par là même un avantage inestimable. Le regard neuf de l’observateur extérieur lui permet d’établir une distance avec le monde visible que les personnes concernées de « l’intérieur » ne sauraient adopter. Il en découle plusieurs grilles de lecture pour ses photographies : à chaque information dépassant ce qui est « manifeste », le regard se déplace d’une observation « naïve » vers une lecture plus étayée. Et chacune de ces interprétations a lieu d’être.
Exposition „la jeune photographie allemande – l’image se fait dans la tête“
Communiqué de presse à télécharger
(PDF, 609 Ko)
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