Groupe du mois - Édition spéciale
La techno : des origines underground à un phénomène global
La techno naît dans les années 1980 à Détroit aux Etats-Unis, avec l’appui de plusieurs groupes tel que A Number of Names et commence à se développer dans le même temps en Europe.
Des législations similaires sont adoptées dans les pays européens pour faire face à ce nouveau phénomène de masse et influencent comment celui-ci se développe.
De Virgile Darrouzet
La naissance de la Culture techno
En France, la culture de la rave explose et subit un traitement médiatique assez important. En réaction, la circulaire de 1995 "Les soirées rave : des situations à risque du ministère de l’Intérieur et de l’aménagement du territoire" présente le milieu sous un jour dangereux pour ceux qui en font partie.En Allemagne, Berlin est un lieu où la culture underground est très présente, avec des courants musicaux alternatifs déjà forts. Ils agissent tel un catalyseur lors de la chute du Mur en 1989, et permet à la techno de prendre plus d’ampleur sur la scène culturelle berlinoise ainsi que de connaître un réel essor, bien plus important que dans les autres pays européens.
La capitale devient alors un centre international de la musique électronique. De nombreux labels sont créés dans le pays et participent au rayonnement de la techno dans toute l’Europe.
la diffusion des differents styles de musique electronique
Tous ces paramètres participent à la popularisation de la musique électronique, dont la techno, au sein de l’Europe mais également aux quatre coins du globe. Beaucoup de genres se distinguent dans le milieu de la musique électronique, pouvant se décliner en sous-genres identifiables.Certains styles sont associés à un beat per minute (bpm), d’autres à un type de kick particulier, certains à un lieu où un style est prééminant, tandis que d’autres se sont créés à partir d’artistes ayant eu une patte artistique unique. Certains tendent à dire qu’il existe autant de genres de musique électronique que d’artistes la pratiquant.
La distinction de styles musicaux : l’exemple du Gabber et du Frenchcore
Il est possible de prendre pour exemple le Gabber, né à Rotterdam dans les années 1990. Alors très populaire, il connaît un fort déclin de popularité, notamment en raison d’influences néofascistes dans le milieu, et renaît alors sous une forme plus sombre et moins rapide qui est réappropriée par des artistes de tous horizons.Cela est un exemple d’appropriation d’un style, originaire d’un pays, par des artistes ayant une culture musicale différente. Par exemple, le label de techno hardcore français Casual Gabberz, mêlant parfois du rap à leurs compositions, a intégré le nouveau style du Gabber dans son identité.
En parallèle, la Frenchcore apparaît en France en même temps que le Gabber. Tout comme ce dernier, depuis sa réinvention dans les années 2010, il devient populaire partout dans le monde, notamment aux Pays-Bas.
Ces deux sous-genres de la techno dite hardcore, distincts au départ, tendent à se recouper et la distinction des sonorités devient compliquée à établir. Les artistes du groupe Casual Gabberz sont tout autant associés à la Gabber qu’à la Frenchcore.
Les formes de rassemblements autour de la musique comme facteur de diversité musicale
Selon les endroits, différentes façons de vivre la musique techno sont adoptées. Cependant, la culture de la fête reste underground, soit au sens littéral du terme, ou bien au moins dans le sens figuré de celui-ci.Le but de ces rassemblements était d’écouter de la musique de façon alternative aux lieux classiques, et cela librement, dans un contexte où la répression était souvent de mise.
De ce fait, les lieux choisis sont souvent reculés, afin que le niveau sonore de la musique n’attire pas l’attention. A travers l’Europe, principalement, des free-parties s’organisent. Dans les milieux ruraux, on fait plutôt la fête dans des espaces vierges tels que des champs, tandis qu’en milieu urbain, des hangars et autres bâtiments désaffectés dans des zones industrielles sont privilégiés. Ces facteurs de lieu mais également de météo favorisent l’écoute d’un style plutôt que d’un autre, et facilite donc l’émergence d’artistes associés à un style spécifique.
Il est possible de prendre pour exemple la psytrance, sous-genre de la trance, devenue populaire en Europe, notamment à Francfort, en parallèle de la techno et de la house. Ce genre de musique s’apprécie plutôt en extérieur. Elle se développe à Goa en Inde, notamment à cause d’un afflux touristique européen et israélien. Elle est aujourd’hui mise en avant dans le monde entier.
Cependant, la scène techno la plus connue reste celle de Berlin. La capitale allemande est un des principaux lieux de tourisme musical à travers le monde et est même considérée comme la principale capitale mondiale de la techno. Beaucoup d’artistes internationaux y déménagent afin de s’y développer, créant un cercle vertueux de développement de la scène. Cela s’observe également à Paris ou encore à Amsterdam, à un niveau différent.
Même si les styles se sont toujours influencés entre eux, il est possible d’associer une région ou même une ville à un style de musique particulier. On entend souvent parler de techno « parisienne » ou « berlinoise » par exemple.
Il est cependant possible, d’observer aujourd’hui une sorte d’uniformatisation du monde de la musique techno, notamment due à sa forte popularité.
Vers une nouvelle uniformité de la techno ?
La mondialisation et la vitesse de transmission de l’information favorisent l’émergence d’artistes de genres musicaux similaires. Il est possible de le voir sur TikTok, où des vidéos de festivals cumulent des millions de vues. Une vidéo d’un remix de la chanson pop Paper Planes de Sara Landry dans une Boiler Room publiée par Techno_style en décembre 2023 cumule plus de 3.7 millions de vues dont un dixième de « j’aime ».Les concepts de Boiler Room et de Hör, très populaires, met le DJ au centre de l’attention et de la foule. Tous les sets sont enregistrés et ensuite diffusés sur les réseaux sociaux, facilitant leur accès par le public.
Avec l’émergence de tels événements et le flux d’informations constant dans lequel chaque individu évolue, il est compliqué en tant qu’artiste de développer une communauté importante sans passer par des techniques de communication innovantes, souvent par rapport à un contenu déjà existant chez d’autres artistes. Cela permet que l’artiste soit visible par un maximum de personnes.
Cela s’observe également dans les festivals ou certains clubs où des noms connus ressortent très souvent. C’est le cas par exemple du collectif britannique Teletech créé en 2017, qui organise des événements de plus en plus souvent et dans de plus en plus de pays.
Tout cela reste à nuancer car la vitesse d’effusion de la culture techno peut ralentir tout aussi rapidement qu’elle a crû.
La visibilité du monde de la techno offerte par les nouveaux moyens de communication permet depuis très récemment une popularisation exponentielle du style musical. Cela aide à légitimer la participation du public à ce genre d’événements et à déconstruire les préjugés de classe souvent mis en avant par des politiques d’extrême droite.
Jordan Bardella a par exemple qualifié 2.500 participants à une rave-party à Rennes de « punks à chiens » le 2 janvier 2021. Ou encore, le gouvernement de Giorgia Meloni a promulgué une loi dite « anti-rave » fin 2022. Le nouvel article 633-bis du Code pénal italien requalifie la tenue de rave parties comme une infraction envers le droit à la propriété, plutôt qu’à un trouble à l’ordre public. La loi peut alors prévoir un emprisonnement de 3 à 6 ans pour les organisateur·ice·s et les personnes faisant la promotion de rave parties ainsi qu’une amende pouvant aller de 1.000 à 10.000 euros.
Cela est à relativiser puisque certaines personnalités politiques, notamment locales, ne s’opposent pas à l’organisation de fêtes dites "sauvages", qu’elles se déroulent dans les campagnes ou bien dans les parcs de Berlin.
Cet été, entre festivals et fêtes improvisées, l’ambiance risque d’être électronique !
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