Raccourcis:

Aller directement au contenu (Alt 1) Aller directement à la navigation principale (Alt 2)

Les mots-dits ! Une chronique liguistique
Vieux et plus vieux

Illustration: Un homme montre une planche sur laquelle on peut lire les mots « Best Ager ».
Illustration: Tobias Schrank; © Goethe-Institut e. V.

Christiane Rösinger s’attaque à une forme de discrimination linguistique malheureusement courante aujourd’hui : l’âgisme. Comment fonctionne cette dégradation des personnes âgées ? Et pourquoi parle-t-on souvent de catastrophe naturelle ?

Nous vieillissons tous – et en même temps, l’âgisme est la forme de discrimination du moment. Il est donc grand temps de s’attaquer à l’âgisme linguistique – le nouveau terme pour désigner la discrimination fondée sur l’âge.

C’est la faute de l’âgées – vraiment?

Les discours alarmistes sur l‘évolution démographique sont tenus depuis longtemps. L’évolution du vocabulaire et les processus de formation de mots sur le thème de la vieillesse que nous observons depuis les années 90 sont la prévue d’un usage linguistique discriminatoire à l’égard des personnes âgées.
La vieillesse en soi est toujours décrite comme un modèle de déficit – mais les vieux doivent aussi être coupables de la rupture du contrat entre les générations. En parlant de « société vieillissante », on attribue aux personnes âgées la cause d’une évolution démographique problématique, car elle pèse sur les systèmes de retraite. Le qualificatif « trop » suggère quelque chose qui ne correspond pas à la normalité.
L’allongement de l’espérance de vie n’est pas la seule cause de ce changement, le faible taux de natalité y contribue également. Personne ne parle toutefois d’une « sous-jeunesse » dans le milieu des crèches.

Menaçant comme une inondation

Des expressions composées comme « boom des retraités » et des paires de termes comme « bombe à retardement démographique » suggèrent une situation de menace. Avec « Rentnerschwemme » ou « Rentnerflut » (inondation de retraités) et « Seniorenlawine » (avalanche de personnes âgées), on s’aide au niveau linguistique de phénomènes naturels accablants qui ont déjà fait leurs preuves pour désigner négativement des mouvements de fuite internationaux.
Les néologismes donnent l’impression qu’il s’agit d’une catastrophe naturelle imprévisible pour les personnes qui ont droit à une pension de retraite appropriée. Une catastrophe contre laquelle il faut se protéger. Cette description négative des personnes âgées repose sur une image de l’homme marquée par le capitalisme – une vision axée sur les ressources et la performance. En revanche, les « nouveaux vieux », qui jouissent de leur vie en tant que bons consommateurs, en bonne santé et bien placés, ont une connotation un peu plus positive. Toutefois, leur existence de retraités parasites trompe à nouveau la jeune génération.

De vieux escrocs et de vieilles boites

Ainsi, dans le champ lexical « vieux », on ne trouve plus guère de mots pour un usage non discriminatoire. « Vieux » n’est bon qu’avec des objets : vieux vin, vieux cognac, vieilles pièces de monnaie, vieille argenterie. Associé à une personne de sexe masculin, « vieux » peut aussi avoir une connotation appréciative et affectueuse : vieux filou, vieil ami, « Alter Schwede » (vieux Suédois), vieille maison. Pour une personne de sexe féminin en revanche, la formule « vieux  + désignation = gros mot » s’impose : vieille boite, vieille chabraque, vieille frégate, vieille fille, vieille sorcière, vieux balai et ainsi de suite.
Il est intéressant de noter qu’avec l’adjectif « vieux », les lois du comparatif sont suspendues. Au « comparatif absolu », une femme âgée est plus jeune qu’une vieille femme. Cela signifie que nous ne devenons jamais vieux, mais toujours plus vieux. Pour se décrire comme une personne qui n’est plus jeune sans utiliser le « vieux » négatif, il n’existe que des euphémismes comme « 50 ans et plus », « fin de jeunesse » ou « au début de l’automne de la vie ». Les anglicismes factices « Golden Ager », « Silver Ager », « Mid Ager » et « Best Ager » utilisés en marketing n’ont heureusement jamais réussi à s’imposer réellement.

Désignations de groupes problématiques

Le mot anglais « Senior citizen » à déjà l’air plus respectueux – mais son équivalent allemand « ältere Mitbürger » (citoyens âgés) est à nouveau chargé de connotations négatives. « Travailleurs âgés » n’est pas non plus une description neutre, mais la désignation d’un groupe à problèmes.
Comme c’est souvent le cas lorsque des groupes sont décrits avec trop de prudence, par exemple « les personnes issues de l’immigration », on procède ainsi à une exclusion. Nous ne parlons pas non plus de « jeunes concitoyens » et de « personnes non issues de l’immigration », de « concitoyens masculins », et encore moins de « bénéficiaires de revenus non performants en raison de l’origine parentale. »

Sprechstunde – la chronique linguistique

Dans notre chronique « Sprechstunde », nous nous consacrons toutes les deux semaines à la langue – en tant que phénomène culturel et social. Comment la langue évolue-t-elle, quelle est l’attitude des auteurs et autrices vis-à-vis de « leur » langue, comment la langue marque-t-elle une société
? – Des chroniqueur.es alternantes, des personnes ayant un lien professionnel ou autre avec la langue, suivent chacun.e leur thème personnel pendant six numéros consécutifs.