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RaumZeitPiraten à Montréal
L'espace est déterminant

Raumzeitpiraten - Exploded Cinema
Raumzeitpiraten - Exploded Cinema | © Raumzeitpiraten

S’inspirant du concept d'expanded cinema, issu de l’histoire de l’art, les RaumZeitPiraten (pirates de l’espace-temps) ont créé un conglomérat d’appareils et de machines optoacoustiques qu’ils ont installé au Goethe-Institut Montreal à l'occasion de la Nuit blanche 2019, transformant ce lieu et ses propriétés architecturales en un réseau audiovisuel piétonnier. Ce qui historiquement constituait une expérience cinématographique fut transformé en un lieu d’expérimentation futuriste et interactif qui, au lieu de présenter l’illusion d’un projet d’avenir, fit de l’observateur passif un élément actif d’un espace de possibilités.

De Hanna Lange

"Il est question dans cette transition (…) du saut de la conscience historique, encline aux jugements de valeur et politique, à une conscience cybernétique, sensée et ludique."

​(Vilém Flusser: « Ins Universum der technischen Bilder »)

 

Les RaumZeitPiraten (Tobias Daemgen, Jan Ehlen, Moritz Ellerich) sont un groupe d’artistes allemands déformant l’espace et le temps. Depuis 2007, ils remixent et abusent de technologies auditives et visuelles anciennes et modernes pour créer des oeuvres architecturales son et lumière hétérogènes et improvisées.

Dans des eaux inconnues

Un RaumZeitPirat dans son habitat naturel Un RaumZeitPirat dans son habitat naturel | © RaumZeitPiraten Leurs activités visent à créer des connexions ludiques et expérimentales entre le son, l’image, des objets, l’espace et le temps. Elles invitent à un voyage alternatif-autoextensible-multimédia-performatif-surround-vaisseau spatial-laboratoire vers un ailleurs entre la science et la fiction. Les RaumZeitPiraten se produisent internationalement et leur travail a été récompensé de nombreux prix et bourses. Nous nous sommes entretenus avec les artistes lors du montage de leur installation à l'occasion de la Nuit blanche 2019 au Goethe-Institut Montreal.

Comment les RaumZeitPiraten ont-ils vu le jour et comment avez-vous trouvé le nom de votre collectif?

Nous avons réalisé le premier projet des RaumZeitPiraten à l’aide d’un rétroprojecteur et d’un piano pour enfants. Encouragés par cette performance, nous avons décidé de développer cette idée. Nous sommes des pirates parce que nous voyageons dans l’espace et le temps, dans des eaux inconnues, dans l’espace public. Nous utilisons une approche interdisciplinaire ; on pourrait parler d’une grande razzia à l’aide des technologies culturelles.

Sur votre site web, vous dites à propos de votre travail qu’il s’agit de création de mondes éphémères et imparfaits. Vous n'aspirez pas à la perfection ?

La perfection est une fin en soi. Ce qui nous intéresse, c'est plutôt le développement, l'imperfection. Par conséquent, un projet n'est jamais "terminé". Nous le développons constamment. Même lors d'une exposition, il est possible que nous changions encore de petits détails.

Jouer avec ce qui est là

Vos œuvres sont créées dans des lieux différents. En quoi cela influence-t-il votre processus de travail et les œuvres ?

Les œuvres sont intégrées dans l'espace, dans des structures existantes. La luminosité varie toujours d’un endroit à l’autre, tout comme les possibilités d’installation. Nous n’effectuons jamais de montages de façon envahissante en enfonçant des clous dans un mur. Nous nous demandons plutôt s’il y a un clou, un tuyau que nous pouvons utiliser. L’espace est déterminant et dicte l’aspect de l’œuvre. L’image finale ne peut donc se développer que sur place. Nous avons bien sûr une idée en tête, mais elle peut changer. C’est pourquoi nous passons beaucoup de temps dans les lieux où nous travaillons. Parfois, nous y restons simplement assis et observons. Nous ne faisons pas de distinction entre les bons et les mauvais espaces, nous nous adaptons plutôt aux situations. Le fait de jouer avec ce qui est là motive les décisions esthétiques que nous prenons.

Ce qui nous intéresse particulièrement, c’est de travailler à l’extérieur, par exemple lorsque nous nous déplaçons dans l’espace urbain avec nos installations mobiles. Nous y trouvons beaucoup d’éléments inconnus qui nous mettent au défi. Cette étape de passer de l’espace intérieur à extérieur est fascinante. Nos installations sont spécialement conçues pour se déplacer ; par exemple, nous avons conçu des Hackenporsche (Porsch de pirates), quelque chose comme des chariots de supermarché, avec lesquels nous entrons dans un espace l’espace d’un instant.

Qu'en est-il des matériaux - introduisez-vous consciemment des incertitudes par l'utilisation de matériaux analogiques ?

Tout à fait. Sur le mont Royal, nous avons recueilli des matériaux que nous avons trouvés par hasard. Nous nous déstabilisons toujours de par notre utilisation des matériaux. Ce que les machines font, montrent et révèlent est un mélange de matière organique et inorganique. Nous nous intéressons à ce qui est imparfait, fragile, ignoré, jeté et ensuite retrouvé. Cela peut nous déstabiliser, mais cela nous montre au bout du compte que c’est exactement cette dynamique autonome qui compte. L’utilisation de nos matériaux a bien sûr changé, mais nous pouvons très bien nous imaginer que les personnes qui nous ont connus en 2007 et 2008 reconnaîtraient notre travail maintenant. Certains matériaux nous accompagnent depuis plusieurs années, et cette collection s’enrichit à chaque installation. Le fait de les réutiliser les matériaux lors d’une prochaine installation crée en quelque sorte un lien entre les lieux.

Une AFFECTION pour les mots longs et DIFFICILES À PRONONCER

ExplodedCinema | IFF Message To Man + Cross Art | St. Petersburg, 2015 | © RaumZeitPiraten
Vos projets portent souvent des noms assez imposants, comme "OptoAkustisches ReiseKofferInstrumentarium". Qu’est-ce que cela signifie ?

Le titre est une onomatopée et il décrit exactement ce que ces valises font: vous pouvez voyager avec elles et lorsque vous les ouvrez, vous trouvez un ou plusieurs instruments optoacoustiques. Le titre englobe tout cela et il traduit notre affection pour les mots longs et difficiles à prononcer. Il est parfois possible de les traduire, mais nous aimons également travailler à l’étranger avec nos titres allemands et cahoteux. L’onomatopée est alors mise de l’avant et elle crée de nouveaux espaces de représentation.

Le public à l’étranger réagit-il différemment à vos projets que le public en Allemagne ?

Bien entendu, nous communiquons différemment à l’étranger, nous sommes plus limités. Cependant, il nous apparaît beaucoup plus clairement qu’il existe diverses façons de percevoir l’espace public et nous voyons comment les gens de différentes cultures se comportent dans cet espace et l’utilisent. À Tunis, par exemple, nous avons été agréablement surpris par la participation active du public. La politique y était pour quelque chose, et nous y avons perçu de façon générale une atmosphère de renouveau chez les jeunes.