Architecture typique de Hambourg
Sur les traces de la brique Klinker
Un matériau de construction qui marque le profil de la Cité Libre de la Hanse, et ce, depuis bien avant les années 1920. À cette époque sortirent de terre un nombre exceptionnel de bâtiments en briques Klinker faisant office d’immeubles de bureaux et de cités ouvrières, élégants, parfois massifs et en même temps aérodynamiques, rappelant la silhouette des bateaux.
L’usage traditionnel de ce matériau de construction remonte au Moyen Âge et apparaît comme une matière brute commune sous le ciel du nord, également repérable à l’horizon d’autres villes hanséatiques de la Mer du Nord et de la Baltique. Mais c’est à Hambourg que cette tradition a été particulièrement soignée et développée, par-delà les siècles et jusqu’à aujourd’hui, par les artisans, les architectes et les artistes, bien conscients de sa valeur. Pour les maîtres d’ouvrage et leurs architectes, la brique était, dans ce rude climat nordique, le matériau le plus efficace et le plus stable, contrairement à des pierres de construction aux formes plus régulières.
Un matériau de construction marqueur d’identité
L’argile est le principal élément constitutif de toute brique. Ce qui est déterminant pour l’apparence de la pierre, pour la structure de sa surface et ses incomparables nuances de couleurs variant entre le rouge, le jaune, le violet et le noir, n’est pas la façon dont la terre est mélangée mais avant tout la manière dont elle est cuite. Le feu, la chaleur et la durée de cuisson déterminent la pierre. Une fois découpées, les briques sont entreposées et quand elles sont sèches, on les place dans le four. La chaleur les durcit et surtout les imperméabilise, les protégeant ainsi contre les effets du gel. Plus la température de cuisson est élevée, plus la pierre est sombre et colorée. La pierre issue de ce type de cuisson est appelée ‘Klinker’ : c’est à Hambourg un matériau de construction caractéristique de la ville, utilisé pour des quartiers entiers, du XXe siècle à nos jours pour toutes sortes de constructions, publiques, privées ou commerciales.Un lieu de transbordement en briques
La réputation de Hambourg est liée à son port. Les docks du Port Libre de Hambourg, érigé en 1888 et dissous seulement en 2013, ont été inscrits, avec le quartier des anciens comptoirs commerciaux, sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité en juillet 2015. Cet ensemble d’entrepôts le plus grand au monde avait été construit en trois temps entre 1885 et 1927 sur un groupe d’îles de l’Elbe, sous la direction de l’ingénieur du bâtiment Franz Andreas Meyer (1837-1901). Les entrepôts en briques rouges reliés entre eux par des ponts, des rues et des canaux étaient, avec leurs pignons, leurs arcs et leurs créneaux, leurs tours et leurs encorbellements de style gothique ou néoroman, des lieux de transbordement pour le café, le thé, le tabac, le caoutchouc, le rhum, la soie grège et les tapis d’orient.Les marchandises étaient transportées directement sur l’eau au moyen de bateaux appelés gabares. Les dockers vidaient les navires en utilisant des treuils et la force de leurs muscles. Pendant les années du miracle économique, de nouveaux bâtiments virent le jour, comme l’entrepôt du quai A, conçu en 1963 par Werner Kallmorgen (1902-1979). Ce bâtiment en brique rouge qui forme la pointe du quartier des docks était le seul entrepôt où les grands navires pouvaient accoster afin d’y décharger directement leurs marchandises. Avec la transformation du commerce maritime, le port étant devenu un port à conteneurs, le bâtiment a perdu sa fonction. Aujourd’hui, l’entrepôt A a été complètement remanié et constitue le cœur de la nouvelle Philharmonie de l’Elbe imaginée par les architectes Herzog & de Meuron, symbole de Hambourg et de la cité portuaire.
Présence des bâtiments de bureaux
Pour évoquer les liens entre le port et la vie quotidienne, le commerce et la culture, les bâtiments de bureaux construits à partir des années 1920 représentent les plus beaux éléments architecturaux et le cœur de ce qui fait de Hambourg la ville des commerçants et du commerce maritime. Ces entrepôts furent à l’époque le vecteur d’une transformation essentielle : ils permettaient la séparation de l’habitat et du travail et étaient uniquement conçus comme bureaux d’entreprises commerciales. Les façades très décorées de la Chilehaus et du Sprinkenhof, tous deux conçus par l’architecte Fritz Höger (1877-1949), révèlent, grâce à la réflexion des rayons du soleil qui arrivent en biais sur la surface de la pierre, davantage qu’une simple présence physique.Fritz Schumacher (1869-1947), architecte et responsable de l’urbanisme à Hambourg jusqu’en 1933, voulut conférer à la ville, précisément avec des briques rouges Klinker, un sentiment d’appartenance communautaire en lien avec cette architecture typique qu’il considérait comme « une langue du quotidien ». Le crématorium du cimetière central de Ohlsdorf atteste de cette vision de l’espace de Schumacher comme un chemin à suivre même au-delà de la mort. Dans sa structure monolithique de type Klinker, ce bâtiment transcende, par sa présence majestueuse, tout ce qui relève du profane.