La tanzhaus nrw
Une maison de la danse aux nombreux accès

Bettina Masuch
Photo (détail) : © Joerg Letz

La tanzhaus nrw (Maison de la danse de Rhénanie-du-Nord-Westphalie) est depuis 1998 le seul lieu de représentation et de production d'Allemagne dédié à la transmission de la danse, avec son académie de danse pour amateurs, toutes générations confondues, et son centre de formation pour les artistes de la région et du monde entier. Entretien avec Bettina Masuch, directrice de la structure depuis janvier 2014.

Bettina Masuch, vous avez fait des études de théâtre et avez été successivement conseillère artistique, curatrice et responsable de festival. Comment êtes-vous arrivée à la danse ?

Comme Pina Bausch, je suis originaire de Solingen. À travers les représentations du Tanztheater Wuppertal Pina Bausch, j'ai appris à voir l'art et compris aussi que l'art doit être combatif, qu'il doit mettre son grain de sel et poser le doigt là où notre époque a mal.

Le land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie se qualifie volontiers de « land de la danse ». La présence des institutions et des artistes y est en effet particulièrement importante. Comment percevez-vous la position de la tanzhaus nrw au sein de Düsseldorf, capitale du land, vis-à-vis du Ballett am Rhein de Martin Schläpfer, compagnie de haut niveau et d'orientation classique, du Forum Freies Theater et des artistes indépendants ?

La scène se caractérise par un grand nombre de collaborations et de partenariats de différents types, mais chacun a son point fort dans le travail. Par l'interaction avec tous les partenaires, la tanzhaus nrw encourage des chorégraphes locaux indépendants qui savent nous convaincre à travers leurs positions artistiques, tout en présentant l'état actuel de l'art à l'échelle internationale. Nous faisons une réflexion sur la danse dans ses formes contemporaines.

  • A City Seeking its Bodies – Alexandra Waierstall & HAUSCHKA Photo : Katja Illner
  • Gala – Jérôme Bel Photo : Andreas Endermann
  • Chorus/Groove Space – Sebastian Matthias Photo : Katja Illner
    Chorus/Groove Space – Sebastian Matthias
  • Journée portes ouvertes/tanzhaus nrw – ... avant le début du semestre Photo : Katja Illner
    Journée portes ouvertes/tanzhaus nrw – ... avant le début du semestre

Vous visez ainsi la complexité de la danse et de la société ?

Tout à fait. La danse est un art hybride en soi et a de nombreux liens avec les arts visuels, la musique et les arts du spectacle. La question de la pertinence est très importante pour nous. Par exemple, comment peut-on créer une communauté au sein de notre société hétérogène ? Il est aussi essentiel pour nous d'explorer l'importance que le corps humain a au 21 ͤ siècle, comment ses possibilités changent. Ce genre de réflexions influencent également le travail des artistes qui évoluent ici. Nous accueillons des sujets qui revêtent une pertinence sociale.

Vous proposez une offre de cours colossale pour les profanes, qui plus est très diversifiée.

C'est exact. Beaucoup de personnes se retrouvent ici, certaines veulent apprendre à danser, d'autres souhaitent partager leur danse, d'autres encore sont simplement là pour voir de la danse. Il existe encore de nombreux profils différents à qui nous voulons offrir un espace ainsi que davantage de possibilités à l'avenir, en collaboration avec les artistes. Les personnes qui participent aux cours sont issues de toutes les classes sociales, elles sont de cultures et d'âges différents, de la petite ballerine au virtuose du hip-hop, en passant par la rertaitée atteinte de la maladie de Parkinson.

Les participants aux cours et les artistes invités sont-ils en contact ?

Bien sûr. Les artistes aiment venir au contact des personnes participant aux cours. Ces derniers sont également nombreux à voir les représentations des artistes invités ou à discuter avec nos « Factory Artists » qui travaillent à chaque fois deux ans ici. Les formats comme la Physical Introduction, que nous avons développée en collaboration avec la promotion de Master en pédagogie de la danse de l'Université de Francfort et dans laquelle les spectateurs apprennent une séquence de la performance actuelle d'un artiste invité, ont maintenant beaucoup de succès. Le regard sur la danse change lorsqu'on l'a vécue soi-même physiquement.

La tanzhaus nrw est apparue comme un centre socio-culturel né d'une initiative citoyenne. Infrastructure soutenue par la ville, elle investie ses locaux en 1998, dans un ancien dépôt de tramways. Le land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie apporte son soutien financier à l'institution. Quelles sont les conditions aujourd'hui ?

Nous sommes une maison aux nombreux accès et les espaces sont pleins à craquer. La grande partie du budget générée en interne nous permet de gérer la maison à cette échelle. Mais nous avons depuis longtemps atteint nos limites.

Tout comme le Centre européen des arts à Dresde et le k3 du centre culturel Kampnagel à Hambourg, la tanzhaus nrw appartient à l'European Dancehouse Network (EDN). En quoi vous distinguez-vous par exemple des Centres Chorégraphiques français ?

La direction culturelle des centres français se fait avant tout par un chorégraphe unique, et il s'agit d'institutions communales plus généreusement financées que ne l'est la tanzhaus nrw. A l'inverse, les maisons de la danse européennes, parmi lesquelles The Place à Londres ou le Mercat de les Flors à Barcelone, choisissent, outre les conditions de production modernes pour chorégraphes indépendants, la diversité des formes d'expression actuelles et des réalités sociales.

En mai 2016, vous avez prolongé votre contrat jusqu'en 2020. La revue spécialisée tanz vous a qualifiée de « porteuse d'espoir » pour la danse en Allemagne. Quel est votre objectif ?

Étant donné les circonstances politiquement instables et vu notre situation financière, le seul objectif consiste à ce que les perspectives de travail restent le moins possible dans leur état actuel. Je souhaite que la tanzhaus nrw bénéficie des mêmes droits que l'opéra et le théâtre de la ville, que nous puissions enfin offrir aux artistes-danseurs indépendants des conditions de travail adaptées. Et nous ne devons pas oublier notre public au sein de ce débat.