Inclusion
« Il ne suffit pas d'un bon réseau Wi-Fi »

Un robot est assis dans une salle de classe du lycée Adolf Weber à Neuhausen. Grâce à son assistance, une élève malade peut participer à un cours en janvier 2022.
Un robot est assis dans une salle de classe du lycée Adolf Weber à Neuhausen. Grâce à son assistance, une élève malade peut participer à un cours en janvier 2022. | Photo (détail) : © picture alliance/SZ Photo/Robert Haas

L'éducation aussi a lieu de plus en plus dans l'espace numérique. Mais qu'en est-il alors des écoliers en situation de handicap ? Anja Bensinger-Stolze est directrice de la section Scolarité du Syndicat pour la science et l'éducation. Elle donne un éclairage sur la situation de l'inclusion dans le domaine de la formation numérique au sein des écoles allemandes. 

De Niko Kappel

Madame Bensinger-Stolze qu'est-ce que, selon vous, une éducation numérique inclusive ? 

De mon point de vue, cela veut dire qu'aucun enfant ne doit se retrouver en difficulté dans les cours numériques. Quel que soit son environnement social ou culturel, quel que soit son genre, son foyer familial, qu'il ait ou non un handicap.

Qu'en est-il de l'inclusion dans les écoles allemandes à l'époque des visio-conférences et des cours à distance ?

En général, l'inclusion se met en place de manière différente en fonction des Länder, de même que les projets développés dans chaque école se distinguent les uns des autres. Il y a de bons projets qui s'assurent que les élèves en situation de handicap ne seront pas laissés sur la touche dans les cours numériques. Mais ces projets ne peuvent se concrétiser partout. On constate que cela ne fonctionne que lorsque l'ensemble des facteurs en jeu sont au point. Un bon concept en matière de pédagogie des médias, la technique au niveau du bâtiment scolaire, des pédagogues formés, l'équipement technique des élèves, un accès Internet stable pour l'équipe pédagogique et dans le foyer familial, des élèves soutenus par leurs familles et aussi beaucoup de temps et de patience. 

Pouvez-vous décrire ce qu'est concrètement un enseignement numérique inclusif ?

On ne peut l'envisager qu'au niveau individuel. Cela dépend si l'enfant a une difficulté d'apprentissage ou un handicap physique. Je vous donne un exemple : une élève qui ne peut bouger son bras dicte, lors des interrogations, ses réponses à un accompagnant qui est présent dans la classe. À la maison, ça ne marche pas. C'est ici qu'intervient la technologie pour remédier à ce problème, par exemple avec une application de dictée vocale. Mais la personne doit tout d'abord avoir cette technologie à disposition. Il faut au moins avoir un bon accès Internet pour pouvoir l'utiliser.

Le problème de l'inclusion dans l'espace éducatif numérique se résout-il donc avec les nouvelles technologies ?

Non, pas seulement. Un bon réseau Wi-Fi ne suffit pas, même s'il s'agit d'un problème crucial. Selon l'une de nos études, 50% des écoles en Allemagne n'ont toujours pas accès au Wi-Fi pour leurs élèves. Et, pour parler de technique, le fait est que la plupart des appareils qui sont mis à disposition des professeurs, ne sont pas dotés de l'équipement nécessaire pour effectuer toutes les tâches requises. Par exemple, aussi bien dans les Länder que dans les communes, on a souvent acheté des ordinateurs portables à bon prix qui ont des capacités de mémoire limitées, des programmes insuffisants et un trop petit écran ; les gens préfèrent par conséquent avoir recours à leurs ordinateurs personnels. Un point plus important encore : l'assistance informatique professionnelle. Il ne suffit pas de mettre une collègue en disponibilité deux heures par semaine pour qu'elle s'occupe de tous les PC de l'école. Nous devons créer des postes à part entière, nous avons besoin d'un personnel bien formé. Sinon, les enfants en situation de handicap en particulier n'auront aucune chance dans le nouvel espace éducatif numérique.

L'éducation numérique n'est vraiment devenue un sujet de préoccupation que depuis la pandémie de coronavirus ?

Non, absolument pas. Mais les cours à distance ont accru la pression sur les écoles pour qu'elles évoluent au plan pédagogique sur la question des nouveaux médias et de la technologie. Au cours de la pandémie, on a assisté à un élan numérique adapté à la situation. Aujourd'hui, les écoles doivent être soutenues afin qu'elles puissent valoriser leur expérience et en intégrer les aspects positifs dans un projet global dans le domaine des nouveaux médias. Que ce soit à travers un accompagnement individuel ou des offres de soutien appropriées. Je trouve que c'est une ineptie de dire qu'il faudra rattraper pendant l'été les choses qui ont été ratées au cours de l'année par les enfants socialement défavorisés. Si un enfant n'arrive pas à suivre pendant l'année scolaire, comment devrait-il rattraper son retard pendant l'été ? C'est pour cette raison que nous avons besoin d'un personnel suffisant et bien formé ayant le temps et la compétence de détecter ces enfants.

Connaissez-vous des écoles en Allemagne qui font bien ce travail ?

L'école de quartier " Alter Teichweg " à Hambourg donne, de mon point de vue, un bon exemple de travail inclusif. Elle est connectée à son quartier. Elle a remporté le prix allemand des Écoles en 2021 et soutient le sport olympique. On y retrouve beaucoup d'éléments qui constituent l'école inclusive telle que je l'envisage. L'école a un projet global en lien avec les nouveaux médias, son équipement numérique est au top et s'attache en particulier à ce que personne ne soit laissé de côté pour des raisons relatives à son environnement social ou son handicap.

Projets créatifs pendant l'épidémie de coronavirus et inclusion dans l'espace numérique : des thématiques dans lesquelles l'école primaire de quartier " Alter Teich " à Hambourg s'est particulièrement illustrée : le Président de la RFA Frank-Walter Steinmeier (à droite), en compagnie de l'animatrice Clarissa Correa da Silva (à gauche), lui remet le prix allemand des Écoles 2021 dans la catégorie " Créer efficacement des relations ".
Projets créatifs pendant l'épidémie de coronavirus et inclusion dans l'espace numérique : des thématiques dans lesquelles l'école primaire de quartier " Alter Teich " à Hambourg s'est particulièrement illustrée : le Président de la RFA Frank-Walter Steinmeier (à droite), en compagnie de l'animatrice Clarissa Correa da Silva (à gauche), lui remet le prix allemand des Écoles 2021 dans la catégorie " Créer efficacement des relations ". | Photo (détail) : © picture alliance/dpa/Bernd von Jutrczenka
Que faudrait-il changer pour qu'on puisse enfin dire : aucun enfant handicapé en Allemagne n'est désavantagé dans l'apprentissage numérique ?

Je crois qu'il ne nous est possible d'avancer que collectivement au niveau de la société, les écoles ne peuvent trouver à elles seules des solutions. La politique doit faire en sorte que nous puissions travailler dans des écoles bien équipées, que les collègues disposent de davantage de temps et que les élèves reçoivent une aide sur mesure pour rattraper ce qui a été laissé de côté. Nous devons lancer une campagne pour lutter contre le manque de personnel enseignant. Sans pédagogues bien formés, les bons projets pédagogiques liés aux nouveaux médias ne valent pas grand-chose. Pour cela, il faut investir du temps et plus de moyens financiers dans la formation.